jeudi 31 décembre 2015

Les 5 principes (ordre 1 de la construction)

Approche ascendante (Bottom-Up)

Le basculement de la société de consommation vers la société d'information libre a des implications dans tous les domaines. L'accès sans limite aux savoirs permet à l'individu de se positionner, de mesurer à la fois la dimension de l'espace culturel collectif et sa propre part d'originalité ou de conformité. En se différenciant, il prend conscience de sa singularité et apprend à faire un choix moral indépendant. Il découvre l'homogénéité du système, ce qui le conduit à en interroger l'intérêt, voire à imaginer un complot. Individu après individu, le système est interrogé, déconstruit, et les valeurs se ré-élaborent suivant des modalités différentes, passant du Top-Down au Bottom-Up. A l'issue, la morale se détache de la logique abstraite générée par la collectivité pour se recréer dans des frictions inter-individuelles qui mène à se considérer dans une logique d'interdépendances.

Sans le filtre du système, le basculement affecte inévitablement l'espace matériel (celui-ci n'étant qu'une distinction pédagogique, destinée à mettre en avant la dissymétrie actuelle entre la disponibilité des informations et l'appropriation des matières). De fait, sans la maîtrise de la communication, la valeur d'un bien n'a plus aucun sens et l'appropriation se trouve à son tour sans objectivité. Élargissement de la notion d'abstraction à la matière,  Si le dix-neuvième siècle et le capitalisme ont été marqué comme la mise en abstraction de la matière, il est très probable que vingt-et-unième sièle sera à l'inverse une matérialisation de l'abstrait. Il y aura une re-matérialisation des savoirs.
.
Si l'architecture semble peu créative, c'est qu'elle s'est éloignée de la construction. Celui qui orchestrait les corps de métiers n'est plus qu'un "optimiseur" prisonnier entre les contraintes normatives, les calculs de RDM et les produits préfabriqués. Cet architecte ne sera bientôt plus qu'un logiciel. C'est par la construction que le métier va pouvoir renaître, en contact avec la réalité du terrain. Personne ne pourra éviter une transformation en profondeur de la construction moderne. La demande évolue. Les monuments gigantesques et abstraits ne séduisent plus. Les dépenses pharaonesques figurent des gaspillages financiers au profit de quelques riches, ceci au détriment de tous les autres et des biens communs. Si l'on souhaite que l'esprit d'invention de la modernité puisse survive, il faut enfin conscientiser les impacts de nos gestes créatifs.


1.1 Intelligibilité : une construction compréhensible
Pour juger une construction, il faut pouvoir l'observer et surtout la comprendre : celui qui construit, celui qui passe, celui qui vit. Chaque élément architectural possède une consistance et un rôle, cette consistance (matérialité) et ce rôle (support, protection, circulation) seront compréhensible afin que chacun puisse juger la qualité de la construction. L'intelligibilité n'est pas la fonctionnalité : elle ne concerne pas la fonction mais la construction, car l'usage doit pouvoir changer, le bâtiment sachant traverser les temps sans que la construction soit modifiée en profondeur.

1.2 Civilité : une architecture du devoir plus que du pouvoir
L'architecture se doit d'obéir aux règles de la vie en communauté. Elle doit avoir conscience de sa dimension morale et sociale, de son rapport à l'altérité. L'architecture du "pouvoir" qui s'est imposée au cœur du mouvement moderne peut s'allier à l'architecture du "devoir", civil et moral. Ainsi, le paysage est autant celui vu depuis l'intérieur que celui imposé aux observateurs du dehors. Le respect des autres consiste à ne pas imposer un objet considéré collectivement comme laid, non obligatoirement dans le moment immédiat mais plutôt dans l'avenir. Ce qui implique une intelligence extraordinaire de l'architecte, capable de deviner le regard du futur.

1.2 Moralité : peu d'énergie, peu de matière, beaucoup de satisfaction
Parmi les expressions morales de l'architecture, la prospective écologique se place au premier plan. Elle impose de faibles énergies d'investissement (dites grises, qui se réduisent en fonction de la durabilité du bâtiment) et de fonctionnement (consommation). Cette réduction implique au second degré une réduction optimale des matières, des transformations, des déplacements. Poussé à son paroxysme, en considérant l'homme comme adhérant pleinement à l'environnement, l'optimisation des matières peut être interprétée comme une satisfaction des hommes : le plaisir de l'ouvrier qui construit, de l'architecte qui dessine, du maître d'ouvrage qui finance, de l'homme qui y vivra immédiatement ou dans un avenir plus lointain.

1.3 Matérialité : une matière apparente
L'architecture s'est développée dans son histoire sur le mode d'une conception abstraite de l'espace et de son usage, elle a préféré les sciences sociales aux arts appliquées. Elle peut donc se réduire à une sorte d'orchestration des différentes techniques que l'architecte peut ignorer (comme un chef d'orchestre qui peut théoriquement ne pas maîtriser un instrument). Toutefois, la construction ne peut ignorer les conditions matérielles. La matière est la condition première de la construction. Contre une architecture d'emballage, un langage communicant, qui ment et cache la matière réelle (celle qui porte et celle qui protège), une construction assumée offre une matière visible et valorisée.

1.5 Originalité : prôner l'invention
Les règles précédentes sont des conditions préalables imposées par le principe de "devoir" appliqué à la construction mais ceci n’empêche pas l'invention. La civilité ne se réduit pas une politesse : respecter un environnement n'oblige pas à faire du régionalisme, respecter la matière ne conduit à refuser des matériaux nouveaux, etc. L'homme invente. L'invention participe pleinement au plaisir qui sera la seule condition de la nouvelle construction, celle qui permettra de dépasser l'état actuel d'une architecture de frustration qui s'impose à tous, du créateur à l'usager.

NOTE :
* L'indépendance de l'individu relativement au système provoque une conscience d'individualité mais elle révèle aussi la présence d'un système bien cohérent, d'une apparence tout puissante. Chacun peut croire, en un premier temps, à un "complot" alors qu'il s'agit tout simplement d'un enfermement culturel qui a fait du système un filtre unique reliant les individus à la collectivité.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire