La grande erreur de la fin du 20ème siècle consistait à croire que la Libération marquait une rupture avec la fin des totalitarismes en Occident. Chacun a désormais compris que le modèle de la "démocratie libérale" contenait toujours, en arrière-plan, une violence économique, provoquant des millions de victimes par le jeu simple et anonyme des flux de capitaux (qui restent des armes abstraites, plus distantes encore que les bombardements aériens). Cette violence économique est connue, elle accompagne les Grande Dépressions, celles des années 1880 et 1930. Mais ces flux d'argent sont admis comme des vérités rationnelles alors que les flux idéologiques semblent sous la responsabilité des hommes.
Le mot, "totalitarisme", destiné à grouper nazisme et communisme, est sans doute la première tentative pour montrer qu'un paradigme peut dépasser les êtres humains et les idéaux qu'ils revendiquent. Par leurs actions, Hitler et Staline apparaissent mués par une mécanique mentale identique et ils aboutissent aux mêmes horreurs. Mais le mot d'Arendt n'est pas adapté à une réalité plus large incluant la culpabilité du "capitalisme" dont l'aveuglement administratif (au sens le plus large, incluant les entreprises privées) contient également cette logique aveugle qui provoque le massacre. Cette inadéquation pousse les historiens au déni. Jusqu'à ces dernières années, personne ne voulait apparenter la "guerre totale" déclarée par Goebels avec les bombardements stratégiques des Alliés. Aujourd'hui, la chose semble évidente. Il faudrait pousser plus loin.
S'il faut reprendre le fil de cette histoire en effaçant les héros pour les remplacer par des ères, à la manière des strates géologiques, avec sa faune fossile, son environnement reconstitué, ses déplacements tectoniques, il faut trouver un mot pour désigner ce paradigme commun au Communisme, au Nazisme et au Capitalisme.
Le 19ème siècle, encore proche de l'ère des croyances, pourrait être nommé "L'ère idéologique". L'idéologie du partage va fluer à travers les continents, impulser la révolution française puis les peurs des complots et des massacres, provoquer la guerre de Sécession ; peut-être son bouquet final réside-t-il dans la révolution russe ? Règne au même instant une idéologie d'abondance, qui se promène dans l'industrie et entretient des relations contradictoire avec le partage.
Bien évidemment, le 20ème siècle n'est plus celui des idéologie, il serait plutôt une période de rationalisme, où l'être humain s'abandonne à une loi qu'il croit être mathématique. rationalisme industriel, rationalisme racial, rationalisme social, rationalisme économique... Mais ce n'est pas rendre service à l'intelligence de réduire le rationalisme à cette expression perverse, torturée dans le but de servir quelques individus, ceux qui revendiquent la loi et la raison dans leurs seuls intérêts.
Ce serait plutôt un "prétextisme" mais le mot n'existe pas ; enfin, si, il y a celui de perversion.
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