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samedi 1 juin 2024

Reims // Clairmarais dans les recensements

Faubourg de Clairmarais dans un plan de Reims 1844 (Gallica par L. Héteau)
encadré par quatre rues : Saint-Brice (sud), Courcelles (nord), Ponceau (ouest), Trianon (est)


Probablement les plus anciennes maisons du quartier de Clairmarais, la "cité Steff"

Suite de l'enquête Reims // zoom Clairmarais, grâce aux recensements. Le registre de 1801 donne les rares habitants du quartier qui se limitent à 8 familles, deux cultivateurs (Jacquemart, Bouilly), un journalier (Cochepin), deux tisseurs (Allart, Sicret) dont le premier exploite des orphelins comme le veut une tradition dans cette époque de misère, un berger (Lagarde), une veuve (Sirot). 

Impossible de retrouver le secteur de Clairmarais en 1817, oublié lors de ce recensement, mais il revient en 1841 (dénombrement Ier canton, ADM 122 M 22, p.205-211). Cette date correspond à la première révolution industrielle, qui impacte très directement le secteur. Il y a désormais 70 foyers (de 2839 à 2909), avec 321 habitants (allant des numéros 9990 à 10311) que l'on localise par recoupement aux deux tiers rue de Saint-Brice et au tiers rue de Courcelles. Ils surgissent brusquement et sont presque tous tisseu/r/se, fileu/r/se, trameuse, bobineuse, journalier/re, couturière, tailleur, brocardeur, peigneur, testeu/r/se, ouvrier en laine, en teinture... mais on compte aussi, beaucoup moins nombreux et dans un autre secteur, quelques chaudronnier, menuisier, maçon, forgeron, manouvrier, charpentier, terrassier, cordonnier. Il reste un ancien cultivateur (Bouilly) auquel s'ajoute un nouveau (Martin), un autre berger (Mathieu), et quelques familles un peu plus "urbaines" : Vve Ohénault (propriétaire), Masson ou Hasson et Delaunay (débitants), Delmont (marchand de charbon), mais aussi un brocanteur (Louvet) et un traiteur (Bagnant). Il faut mettre à part la famille Steff, signalée comme "filateur", soit propriétaire de filature, probable famille allemande implantée ici et à l'origine de l'industrialisation soudaine de ce secteur longtemps resté rural... 

En 1851, des noms de rues surgissent et se divisent deux secteurs : au nord, la rue de Courcelle, avec les ouvriers du textile vite concurencés par les employés du Chemin de fer et, au sud, la rue de Saint-Brice, avec les autres ouvriers. La famille Bouilly est toujours là (n°11), avec d'autres cultivateurs et bergers du côté impaire de la rue Saint-Brice, tout au sud du quartier... Avant 1872, l'usine de textile renouvelle ses employés qui continuent d'occuper le secteur. 

On en apprend en 1910, dans une étude de l'Académie de Reims sur l'habitat ouvrier, que la "filature Steff" est à l'origine d'anciens "corons" : "Rue Vernouillet, dans le quartier de Clairmarais, et en contre-bas de la rue, qui les domine tous, s'alignent 20 à 25 logements à rez-de-chaussée, premier étage et grenier très bas ; c'est la Cité Steff. Ces logements sont bordés d'un trottoir de 2 mètres et d'un ruisseau, puis un mur variant de 1 mètre à lm20 s'élève devant toute la cité et la rue Vernouillet la longe, séparée par une rampe en fer qui surmonte le mur. Toutes ces habitations sont forcément humides à cause de leur situation. La cité Steff formant l'angle de la rue Vernouillet et de la rue de Courcelles a encore une partie en façade sur cette dernière rue, depuis le n° 57 jusqu'au 69 : sept logements à rez-de-chaussée, premier et grenier, construits identiquement comme ceux de la rue Vernouillet, mais ici ils sont au niveau de la rue ; toutefois, pour pénétrer dans les pièces, il faut descendre plusieurs marches et les fenêtres du rez-de-chaussée sont presque au ras du trottoir. On peut dire que la cité est d'aspect plutôt vieux et malsain. Enfin, au n° 75 de la rue de Courcelles, s'élève une autre Cité, sans nom, appartenant également à M. Steff, presque en regard de celle de la rue Vernouillet dont elle n'est séparée que par des jardins. Là encore mêmes constructions à rez-de-chaussée, premier étage et grenier ; 25 logements alignés et tous semblables sur une ruelle qui va de la rue de Courcelles à la rue de Saint-Brice. Le côté opposé aux logements est occupé par de petits jardins potagers dépendant de chaque locataire. Le devant sur la rue de Courcelles est un bâtiment à deux étages et grenier occupé par des garnis. Plusieurs fontaines sont installées, dont une dans la cour de la cité, et d'autres dans les jardins pour l'usage des occupants. Les locations varient de 12 à 15 francs. Cela nous change de ce que nous avons vu dans l'autre rue." (Félix MICHEL, "Les Logements ouvriers à Reims et dans les environs en 1911", Travaux académie nationale de Reims, 1910-1911, p.225-321)

Cette cité semble encore préservée, son accès actuel se fait à partir du n°38, rue de Saint-Brice, avec un alignement de maisons de type "corons", désormais inscrites dans une rue privée (voir photographie). Datant des années 1840, c'est peut-être l'une des plus anciennes de France ! Par contre, l'usine est plus difficile à relocaliser car elle a disparu après l'occupation prussienne. Il n'y a presque plus de métier du tissage de laine représenté chez les habitants qui sont de plus en plus des employés des nouvelles usines qui s'implantent dans le secteur. L'habitation particulière de la famille Steff est absente dans le recensement de 1881. Par contre, au même moment, une nouvelle rue est traçée, la rue de Clairmarais, et les immeubles collectifs actuels correspondent à cette période, construits au début années 1870.


vendredi 17 mai 2024

Patrimoine Reims // Maison de champagne Thiénot

vue Googlemaps du 3, rue du Marc

Maison de champagne Thiénot [649 car. / 762 sgn]


Érigés sur un réseau de caves médiévales, ces bâtiments adoptent la disposition d'un hôtel particulier de négociant. Dès le XIXᵉ siècle, les occupants successifs sont rattachés aux grandes familles de l'univers du champagne, Irroy, Heidsieck, Henriot, puis Geoffroy, ce dernier étant alors propriétaire des maisons Couvert et Forest-Fourneaux.

Détruits en 1918, les édifices sont reconstruits sur une structure en béton. La façade côté rue, abritant bureaux et logements, arbore un style Louis XVI agrémenté des pampres Art déco, tandis que le côté cour, dédié au stockage et à l'expédition, est en moellons calcaires rythmés par des briques, s'inspirant des bâtisses vernaculaires marnaises.

L'ensemble a été réaménagé en 2023 par l'architecte Loïc Thiénot.

  • Légendes des trois illustrations

(3) Publicité Irroy, première Maison de champagne signalée sur cette parcelle au début du XIXᵉ siècle ; toutefois, une pierre de fondation datée de 1794 indique comme maître d'ouvrage Philippe Leuchsenring (1762-1810) qui était déjà un important « marchand de vins de champagne ».
(fonds BMR XXXX-REF-XXXX)

(2) Plan monumental de Reims en 1894 : la rue du Marc apparait au coeur du quartier des sièges historiques du champagne ; les bâtiments, tels qu'ils apparaissaient avant-guerre, figurent au nom de la maison de champagne « Henriot & Cie, successeur d'Auger-Godinot ».  
(fonds BMR / Carnegie / Fonds iconographiques, réf. TGF-II-38)

(1) Façade d'avant-guerre photographiée au début du XXᵉ siècle : les bâtiments appartiennent à cette date à Henri Geoffroy qui se charge de la reconstruction ; seule la parcelle à droite, au n°5, est relativement épargnée pendant la Première Guerre mondiale.
(fonds SAVR).


  • remarques

* Un article de l'Académie de Reims prétend qu'il date d'Henri IV, mais son style architectural semble plutôt du XVIIIe ; la date de la pierre de fondation retrouvée en 1921 (1794) se confirme puisque la parcelle est encore divisée en deux sur le plan d'alignement Trudaine (daté d'environ 1765 à Reims) et sur un plan de 1778, mais elle est unifiée sur le cadastre napoléonien (de 1825 à Reims). Voir documents ci-dessous.

> Il manque le nom de l'architecte de la reconstruction - le PC ne figure pas dans la liste conservée par les archives municipales et le bâtiment n'est pas signé. Le bâtiment est occupé dès le recenssement de 1926.
 

mercredi 15 mai 2024

Patrimoine Reims // Vigne historique de l'ancien collège


https://www.champagne-grand-cru.fr/800px-ancien_college_des_jesuites-copier/

Vigne historique de l'ancien collège [648 car. / 777 sgn]


Plantée lors de l'installation des Jésuites au début du XVIIᵉ siècle, cette vigne est l'une des plus anciennes du monde et détient le record de longévité pour le raisin blanc.

Ultime représentante du cépage « verjus blanc », son nom désigne un jus acidulé incontournable dans la cuisine et la médecine médiévale. Un traité du XVIᵉ siècle, L'Agriculture et Maison rustique de Charles Estienne, précise : « la plus commune façon de faire verjus [...] eſt de cueillir les grappes vertes des raiſins de treilles. » Il fallait ensuite les presser, puis saler pour la conservation.

Ce jus va être progressivement remplacé par celui des citrons ou des oranges ; mais cette vigne continue d'être utilisée en ornement, comme l'indique le Traité du jardinage de Jacques Boyceau en 1638.


  • Les illustrations :
(1) Etiquette illustrée d'une grappe de raisin verjus, identifiable à ses grains de couleur jaune-vert ; il est tardivement utilisé en « vin de liqueur », c'est-à-dire élaboré par ajout d'alcool dans le moût. 
(vers 1930, coll. part.)

(2) Photographie du début du XXᵉ siècle où l'on voit la vigne du collège des jésuites dressée sur le mur ; depuis le XVIIIᵉ siècle, les bâtiments abritent l'Hôpital général et hébergent aussi des petites filles pauvres, surnommées « Les Magneuses ». L'origine des pieds de vigne est inconnue, même si un mythe affirme que les jésuites les ont rapporté d'Ashkelon (Israël).
(fonds BMR / XXX-REF-XXXX).

(3) La fabrication du verjus selon le traité médical Tacuinum sanitatis d'Ibn Butlân ابن بطلان (XIᵉ siècle), exemplaire traduit dans toute l'Europe en latin, complété et illustré au XVᵉ siècle. 
(fonds BNF / ML-9333, f. 83r).


mardi 30 août 2022

Reims zoom // Clairmarais

ADM  2 G 148/395 :  Plan du canton de Clairmarais, à Reims (1759)

 

Pour ne pas les perdre, la superposition du plan actuel (Google) avec le cadastre napoléonien, comparable au plan des ADM de 1759...

Le plan du cadastre napoléonien suit une inclinaison de 38°

Ci-après : 

1) plans et recoupement des rues (r. des Romains, Courcelles, St-Brice, "de Clairmarais")

2) description du quartier dans les Travaux de l'Académie de Reims ...

3) Fiche de l'Inventaire (2015)

jeudi 18 juin 2020

Reims zoom // 25,17 Wilson : station de relais PTT

7, boulevard Barthou, via Google Street View - modifié (https://www.google.com/maps)

Complément du circuit Wilson : point 25.17 - station de relais PTT, 1945, Charles Henri Royer, arch.
Un plan de Reims dressé le 2 août 1944 permet d'évaluer les destructions de la Seconde Guerre mondiale entre l'invasion en 1940 et les bombardements alliés de mai-juin 1944  (reims.fr). Il mentionne également, pour la première fois, un local PTT dans le quartier Wilson. Cette "station de relais" est certainement à l'origine du nom donné à cette section du boulevard : Louis Barthou, ancien ministre des Travaux publics, des Postes et Télécommunications (de 1906 à 1909) mort dramatiquement en 1934 lors d'un attentat visant le roi de Yougoslavie. La rue lui est dédiée en 1935, année qui suit sa disparition et précède l'installation de la première station. 

À peine construit, le bâtiment d'origine semble avoir été détruit au moment de la libération de la ville. Pourtant, comme le résume Henri Druard (cndp.fr/crdp-reims) , la libération en août 1944 s'est faite avec peu de combats sur Reims : "Le mercredi 30 vers 7 heures du matin, on entendit les premiers chars américains rouler Place du Parvis, Place du Théâtre, rue de Vesle, Cours Langlet ; la foule se répandit immédiatement dans les rues et, à partir de ce moment, les unités motorisées ne cessèrent d'affluer. Il n'y avait eu de résistance sérieuse qu'au Pont Huon, pont sur la canal vers Châlons, par lequel les chars américains arrivés la veille au soir durent passer, le pont de Vesle étant sauté, et au Pont de Laon. Quelques Américains ainsi que quelques FFI furent tués."  Le même témoin donne la liste des destructions qui marquèrent cet événement, : "Les dégâts se réduisent à la destruction du pont de Vesle, à celle du pont du chemin de fer de la ligne de Reims à Paris, au-dessus du canal ( Pont de Soissons ), à celle du Poste principal de signalisation de la gare de Reims. D'autres destructions partielles, la gare de voyageurs et quelques locaux grenadés par les Allemands avant leur départ se révèlent peu à peu."  

Parmi les "oubliés" de cette liste des ouvrages détruits ("grenadés") en août 1944 : la station PTT du boulevard Barthou. Toutefois, la présence de graffitis de soldats datés de 1945 sur les piliers de l'entrée, attesteraient d'une préservation du mur de clôture d'origine. On y trouve notamment "Caporal René - le Petit Poison - 19-02-1945" et "Roger Baynard - le chanteur - 1-3-45". Ces graffitis sont connus des habitants du quartier, comme l'un des rares éléments historiques relativement ancien dans ce quartier. Leur authenticité laisse peu de doutes, reste à trouver pourquoi des soldats viennent graver leurs noms ici six mois après la libération.de la ville, à proximité d'une ruine où les travaux de reconstruction sont annoncés. Ont-ils participé aux combats récents menés en Alsace ? Des soldats étaient-ils affecté sur ce point sensible ? Chose probable, car une salle forte semi-enterrée (de type "blockhaus") a été construite pour sécuriser une partie de la station, et les traces datant de la seconde guerre mondiale y sont encore nombreuses (vélo générateur d’électricité).

Vue sa fonction dans les communication, la reconstruction de cette station s'avère urgente, et l'on a donc ici l'un des rares exemples de bâtiment datant de 1945. Le dépôt de PC entre dans le cadre du rationnement avec le détail de tous les matériaux nécessaires à cette réalisation : l'essence et le charbon manquent, le béton et le métal sont encore réservés aux ouvrages d'art, même le verre, la terre cuite et le bois ne se trouvent pas sans difficulté...  Ce qui n'enlève rien à la qualité du bâtiment de Charles Henri Royer (fr.wikipedia.org), connu pour avoir réalisé le monument aux morts de Reims. Son style reflète ce "régionalisme moderne" qui marquait déjà la seconde moitié des années 1930, mêlant brique rouge ("louis XIII"), rythmes "classiques" et éléments modernistes (béton souligné en façade dans les travées et dans quelques puissantes horizontales). L'originalité pittoresque de certains détails comme les cheminées à redents, les pans coupés, les fenêtres non-superposées, évoquent encore le souvenir des Arts & Crafts qui ont tant marqué les cités-jardins de Reims. Vient ensuite une nette rupture de style lorsque sont ajoutés les bâtiments latéraux, d'un ordonnancement beaucoup plus strict.

Ci-après, dépôt de PC n°8625, juin-aôut 1945 et autres documents provenant des AMCR (archives-municipales-et-communautaires - Ville de Reims).