![]() |
EliPi, ELisabeth Chauvin et Piere Gencey - construction |
Dans le brouillard des idées troubles qui recouvre aujourd'hui les champs culturels, il n'est plus possible de faire confiance à un individu sous prétexte qu'une institution le présente comme expert, alors même que chacun peut prétendre avoir accès à tous les savoirs en fouillant les milliers de livres édités sur le moindre sujet, les dizaines de revues disponibles chaque semaine en kiosques, les innombrables vidéos accessibles en streaming, les millions de pages web traduites automatiquement en provenance de toute la planète. La culture fuit le cadre maîtrisé des écoles, des institutions, des grands médias ou des musées. Ce dérèglement, provoqué par un accès aux informations sans limite et sans hiérarchie, créé une sensation de perdition qui touche tous les domaines jusqu'à la sphère intime : politique, religion, médecine, alimentation, art. La maîtrise des récits contemporains échappe désormais à tout contrôle, de même que le passé n'appartient plus aux historiens officiels.
Les métiers et les savoir-faire se comptent également parmi les victimes de cette "société d'information" qui a étendu aux connaissances le principe d'horizontalité et d'abondance, autrefois revendiqué par la "société de consommation". Il devient difficile d'accepter l'ordre et l'organisation du moindre système dans le flou de la profusion des connaissances. Les professions se dissolvent. Les limites de toutes les corporations s'effacent. La moindre tradition culturelle, le moindre produit industriel, voit disparaître ses contours et apparaître les limites de son injustifiable existence. Pour s'en défendre, les grands systèmes tentent de produire des volumes d'information qui les dépassent, cherchant de cette manière à compenser l'inégalité face à la globalisation, multipliant les actes d'autorité, complexifiant les jargons.
Suivant la fable de la grenouille qui veut se faire plus grosse que le boeuf, dans une alliance inconsciente et inavouée, les grandes entreprises et les états s'entendent pour complexifier les productions et les normes afin d'assimiler l'information globale. Aujourd'hui, la technique et la norme sont si inatteignables qu'elles ne sont même plus compréhensibles par les commanditaires. Personne, ni individu, ni collectivité, ne peut en comprendre les contenus, les enjeux, les conséquences. Ce floutage apparaît au mieux comme ridicule mais il provoque le plus souvent la contestation, voire la paranoïa complotisme. Mais il est possible de contrer en signalant que l'incompréhension de notre monde n'est pas chose neuve, c'est une condition métaphysique. La nouveauté, c'est que la société d'information nous montre distinctement qu'aucun système ne peut nous guider.
L'adage socratique, celui qu'épouse Montaigne, " ἕν οἶδα ὅτι οὐδὲν οἶδα", je sais que je ne sais rien - c'est la condition de chacun post-singularité. Alors le déni apparaît dans la séduction des extrêmes : la contestation, la paranoïa du complotisme.
La capacité à rassembler les égoïsme : ce sont des recettes simples.
Des règles faciles à transmettre, qui se diffuseront avec aisance, tout à l'inverse des normes et des produits complexes que cherchent à diffuser les institutions, les entreprises, les "grands chefs" des restaurants étoilés, dans une opacité techniques et un jargon qui ne permet plus d'accéder ou de comprendre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire