![]() |
1881-fév-12, L'illustration, n°1981, bateau de pêcheurs breton coulant à pic, via ebay |
Comme le précise l'ouvrage Le Littoral de la France, publié en 1888, le port d'Audierne n'est pas encore aménagé de manière moderne. Il se situe dans les contreforts du pays Bigoudin, où la côte est rocheuse, élevée, dangereuse : la pointe du Raz reste célèbre, mais la "barre" de la baie d'Audierne n'est pas moins redoutée à cette époque. Il y a de nombreux naufrages au XVIIIe et au début du XIXe siècle, d'inévitables rumeurs de "naufrageurs" circulent... La réalité est plus simple et plus tragique : la mer est terriblement dangereuse, et les drames se multiplient. Les titres de presse ouvrent d'autres interrogations. Ce Timothée Ampart meurt lors d'un naufrage, mais pourquoi ce naufrage fait-il actualité et laisse apparaître son nom ? Quel contexte socio-culturel entourait le drame ? Quelle est la fréquence des naufrages dans ce métier ? Si l'on connait l'histoire de ce "territoire du vide" entre 1750 et 1840 grâce à Alain Corbin, celui-ci s'est visiblement rempli après la naissance de Thimothée en 1843...
Les naufrages touchent la famille Ampart. C'est par le biais de ces tragiques événements que se dévoile la suite de cette histoire familiale, car ces tragédie sont alors activement relayées par la presse. La première mention de Timothée Ampart est d'ailleurs une condamnation du Tribunal de Quimper, dans l'Audience correctionnelle du 30 avril 1885. Il doit verser 15 francs "par corps" : ce qui confirme son statut de patron de pêche, a priori juridiquement responsable. Que désignent ces corps ? Existe-t-il une rlation avec l'épidémie de choléra ? S'agit--t-il d'un accident en mer ? Un nouveau naufrage à lieu en 1889, il est alors bien identifié comme "patron du bateau de pêche L'Ange gardien". Trois marins meurent et le bateau est perdu, mais le responsable est un steamer dont l'armateur accepte de verser 1600 francs, à l'amiable, pour les dommages. Un homme vaut donc cent fois moins qu'un navire, ou la peine est-elle pondérée en fonction des moyens du payeur ? AU bénéfice du doute, on retient la seconde hypothèse.
Le troisième accident en mer est le naufrage de la chaloupe sardinière Sainte-Anne à Audierne le 14 avril 1894. Il emporte tous les marins à bord, dont le patron lui-même, Thimothée Ampart, et le fils du patron, Emile-Marie Ampart (1877-1894), alors simple mousse, et probablement l’aîné de la famille (Famille C // (2) Les enfants d'Audierne). Entre 1894 (date du naufrage) et 1895 (date du procès) de très nombreux articles de presse relatent ce drame.
En 1894, un "télégramme" annonce le drame d'Audierne. Experts dans l'art de la paraphrase, les journalistes locaux vont relayer l'information officielle... Le désir de rivage se heurte encore à cette violence qui transparaît dans les journaux. Cependant, à l'exception de La Croix (le navire se nomme Sainte-Anne), les nationaux n'en parlent pas, ou plutôt n'en parlent plus. De quand date la "mode" des naufrages de pêcheurs et du sauvetage des pêcheurs ? Peu importe, on regarde ce que l'on ne regardait pas, et cette dépêche est justement celle qui annonce la "disparition en mer" de Thimothée Ampart.
La question : Où il est question de grande et de petite navigation, de grands et de petits naufrages, du réel et de l'imaginaire..
- Source principale - média du moment : la presse populaire et la presse illustrée
Oeuvre servant d'illustration :
1881, "Naufrage et tempête en Vendée", Journal du peintre naïf Paul-Emile Pajot
vers 1900, "Ne pars pas", Delandre, terre cuite - souvenir de bains de mer