vue Googlemaps du 3, rue du Marc
Maison de champagne Thiénot [649 car. / 762 sgn]
Érigés sur un réseau de caves médiévales, ces bâtiments adoptent la disposition d'un hôtel particulier de négociant. Dès le XIXᵉ siècle, les occupants successifs sont rattachés aux grandes familles de l'univers du champagne, Irroy, Heidsieck, Henriot, puis Geoffroy, ce dernier étant alors propriétaire des maisons Couvert et Forest-Fourneaux.
Détruits en 1918, les édifices sont reconstruits sur une structure en béton. La façade côté rue, abritant bureaux et logements, arbore un style Louis XVI agrémenté des pampres Art déco, tandis que le côté cour, dédié au stockage et à l'expédition, est en moellons calcaires rythmés par des briques, s'inspirant des bâtisses vernaculaires marnaises.
L'ensemble a été réaménagé en 2023 par l'architecte Loïc Thiénot.
- Légendes des trois illustrations
(3) Publicité Irroy, première Maison de champagne signalée sur cette parcelle au début du XIXᵉ siècle ; toutefois, une pierre de fondation datée de 1794 indique comme maître d'ouvrage Philippe Leuchsenring (1762-1810) qui était déjà un important « marchand de vins de champagne ».
(fonds BMR XXXX-REF-XXXX)
(2) Plan monumental de Reims en 1894 : la rue du Marc apparait au coeur du quartier des sièges historiques du champagne ; les bâtiments, tels qu'ils apparaissaient avant-guerre, figurent au nom de la maison de champagne « Henriot & Cie, successeur d'Auger-Godinot ».
(fonds BMR / Carnegie / Fonds iconographiques, réf. TGF-II-38)
(1) Façade d'avant-guerre photographiée au début du XXᵉ siècle : les bâtiments appartiennent à cette date à Henri Geoffroy qui se charge de la reconstruction ; seule la parcelle à droite, au n°5, est relativement épargnée pendant la Première Guerre mondiale.
(fonds SAVR).
- remarques
* Un article de l'Académie de Reims prétend qu'il date d'Henri IV, mais son style architectural semble plutôt du XVIIIe ; la date de la pierre de fondation retrouvée en 1921 (1794) se confirme puisque la parcelle est encore divisée en deux sur le plan d'alignement Trudaine (daté d'environ 1765 à Reims) et sur un plan de 1778, mais elle est unifiée sur le cadastre napoléonien (de 1825 à Reims). Voir documents ci-dessous.
> Il manque le nom de l'architecte de la reconstruction - le PC ne figure pas dans la liste conservée par les archives municipales et le bâtiment n'est pas signé. Le bâtiment est occupé dès le recenssement de 1926.
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Autres illustrations et souces documentaires
Parcelle non-unifiée dans ce plan XVIIIe siècle (type Trudaine - vers 1760) des ADM intitulé étrangement pour des routes royales : "Routes nationales n° 31 et 51. Traverse de Reims 1ère partie, XVIIIè s." Cote : C 4018/3 (1er plan de la série, en bas à droite dans le prolongement de la "rue du Marq" nommé "rue du Bureau de la Draperie". Les parcelles appartiennent à [n°1 = Le Vergeur] "M. Rogier de Fourey B.L.C" ; [n°3 divisé en deux] "Sieur Prevoteau" et "M. Debrouillet - B. en briques et pierre" ; [n°5] "Le Sieur LeGrand v.p.c." https://archives.marne.fr/ark: |
Superposition de la vue aérienne, du cadastre napoléonien et du plan XVIIIe. |
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Dans le classique ouvrage A History of Champagne d'Henry Vizetelly en 1882, on décrit les nouveaux bâtiments Irroy situés entre le boulevard Lundy (du Temple) et la rue de la Justice : "The offices of M. Ernest Irroy, who is known in Reims not merely as a large Champagne grower and shipper, but also as a distinguished amateur of the fine arts, taking a leading part in originating local exhibitions and the like, are attached to his private residence, a handsome mansion flanked by a large and charming garden in the Boulevard du Temple. The laying out of this sylvan oasis is due to M. Varé, the head gardener of the city of Paris, who contributed so largely to the picturesque embellishment of the Bois de Boulogne. M. Irroy's establishment, wich comprises a considerable range of buildings grouped around two courtyards, is immeiately adjacent, althought its principal entrance is in the Rue de la Justice" (https://books.google.fr/books?id=I2k9AQAAMAAJ&vq=Irroy&hl=fr&pg=PA183#v=onepage&q&f=false) |
(source https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00078801) Le n°5 rue du Marc et ce qu'il reste de l'ancienne façade du n°3 À noter, la façade du n°5 subsiste et, bien qu'elle ne se voit pas sur cette photo, une maison gothique de la fin du XIVe siècle en fond de parcelle. |
M. G. CLAUSE, maître-assistant à la Faculté des lettres et sciences humaines de Reims: "L'enseignement à Reims pendant la Révolution". dans : Résumés des communications présentées aux sections de philologie et histoire jusqu'à 1610, histoire moderne et contemporaine, archéologie et histoire de l'art, géographie / 95e Congrès national des sociétés savantes, Reims, 23-27 mars 1970, p.46-47 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6395990g) |
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Une faute de frappe, mais il s'agit bien du négociant de Reims, jacobin et frère trois points (apprentis...) dans "La Parfaite amitié" (loge GO fondée à Lausanne en 1778). FM Fichier Bossu (197) - https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10000165r Il est sans aucun doute rattaché à une famille allemande d'apothicaires, celle de Philipp Nicolaus Leuchsenring (1700-1770). Voir URL : https://www.deutsche-biographie.de/sfz50713.html?language=en Il est le père d'un docteur botaniste décédé à Reims en 1855 - voir ci-dessous. |
La rue de la Grosse-Bouteille en 1778 (actuelle rue de Mars, le long de l'hôtel de Ville), la famille Leuchsenring n'est pas à Reims (Philippe N. G. Leuchsenring n'a alors que 17 ans...) |
Acte de décès de Philippe Nicolas Germain Leuchsenring (1762-1810), à Cormontreuil, à 48 ans le 20 février 1810. La note latérale précise qu'il est le fils de Jean Philippe Leuchsenring et Barbe Voïther (domiciliés à Edenkoben en Rhénanie-Palatinat). On en déduit sa date de naissance : entre 49a-1j (28 février 1761) et 48a (19 février 1762) Les trois dates trouvées présentent une contradiction, mais positionne sa naissance en 1762. Les parents rejoignent bien la famille d'apothicaires allemands puisque le père de Philippe Nicolas est : "Leuchsenring, Johann Philipp (1739-1773), Handelsmann [commerçant], 1762 Apotheker [apothicaire] in Edenkoben, Hospitalverwalter" et son grand-père paternel est bien son homonyme en allemand "Leuchsenring, Philipp Nicolaus, Neustadt an der Haardt 9.4.1700, † Kandel 7.4.1777, evangelisch-reformiert, Apotheker in Kandel, der reformierten Kirche in Winden und Erlenbach zugetan, die Apotheke wurde 1777 an Georg Philipp Wagner verkauft." voir : https://www.lagis-hessen.de/en/subjects/rsrec/sn/bio/register/person/entry/leuchsenring%252C%2Bjohann%2Bphilipp |
Conclusion des recherches sur Leuchsenring aux AMCR en ligne :
Le 3, rue du Marc n'est pas l'adresse du domicile de Philippe Nicolas Leuchsenring (1762-1810) qui arrive en France à 17 ans en 1778, débute dans le commerce de vin en 1788, se marie en 1790 et réside n°12, rue de la Grosse-Bouteille entre 1791 et 1801~1810 (ce que confirment sa déclaration en tant qu'étranger et les actes de naissance de ses enfants). Concernant la pierre de fondation du n°3 rue du Marc, il reste la possibilité qu'il s'agisse de son école et/ou de son local commercial, l'adresse n'étant séparée que d'un pâté de maison de son domicile. L'autre possibilité est que la pierre a été déplacée (peu probable, vu le sérieux de Deneux et Sarrazin qui l'ont localisée et répertoriée)...
Lancement de la requête Leuchsenring sur le site des AMCR |
La suite des recherches s'effectue aux AMCR qui indiquent les fonds :
FR2i233 - Dates : An VIII Analyse : Surveillance des francs-maçons : déclaration de constitution, avis de lieu et horaires des séances).Personnes concernées : Barbereux, Berton-Simon, Biémont, Blavier, Bouchard, Bourgeois, Alexandre Delamotte, Jean-Baptiste Drouet, Louis Drouet, Prosper Drouet, Fourneaux, Legrand-Lasnier, Legrand-Rigaud, Gienanth, [Philippe] Leuchsenring, Oudin, Verrier-Dupont, Robin
FR5Q33 - Dates : 1790-1813 Analyse : Pensions civiles. - Anciens employés municipaux, anciens professeurs et institutrices, veuves de fonctionnaires publics : instructions, réclamations, extrait du registre des délibérations de l’administration municipale, correspondance. Notamment : Clermont, Prevost, Oudinot, [Guillaume] Leuchsenring, Marguerite Jacquemart, veuve de Charles Louis Passelet, veuve de Louis Antoine Giraux du service de la malle de Reims à Paris assassiné pendant son service dans la nuit du 8 au 9 janvier 1791 à Meaux, Huet.
Cote : FR1R4 - Dates : 1790-1809 Analyse : Écoles primaires et secondaires particulières, maisons d’éducation, pensionnats et cours particuliers. - Rapports avec la municipalité relatifs à la réglementation et au fonctionnement des établissements : demandes d’autorisation, certificats de civisme, correspondance, extraits des registres des délibérations et des arrêtés de l’administration départementale (an II-1809). Cours particuliers de langues, de géographie, de mnémonique, de mathématiques, … : avis d’ouverture, programmes (1790-1806). Notamment : professeurs ou directeurs d’écoles Bertin, Buache, Cordier, Douaÿ-Fressencourt, Dubourget, François Guivard, Jacquesson, Lefranc, Pierre Camille Lemoine, Guillaume Leuchsenring, Paté-Jouant*, Petit-Baronne, fermeture de la maison d’éducation de Dubourget dénoncée comme « foyer de royalisme et de fanatisme ».
> Un document donne l'adresse de l'école de commerce au "n°2 rue du Marc" [probable déplacement du numéro] mais dirigée par Guillaume et non Philippe Leuchsenring.
FR2I255 - Dates : 1790-1813 Analyse : Etrangers vivant à Reims. - Législation (1790-an XI) ; pétition de Rémois d’origine étrangère (1793) ; listes des ci-devant nobles et étrangers par section (an II) ; pétitions de travailleurs étrangers sollicitant des autorisations pour rester à Reims (an III) ; étrangers s’installant à Reims (1792-1813). Notamment : Rémois d’origine étrangère : Henri Charfestin (Scharffenstein), Félix Elmering, François Gienanth, Frédéric Haeger, Florens Louis Heidsieck, Jean Lesart, Philippe Leuchsenring, Emanuel Oppermann, Jean-Baptiste et Joseph Renard, Jacques Roy ; travailleurs étrangers : Christophe Godefroi Horn, Georges Lanius, Aloÿse Vogt, Bernard Wendel..
>Un document donne la biographie de Philippe Leuchsenring - confirme les données.
Cote : FR2F9 - Dates : 1790-1813 Analyse : Propriétaires, négociants, marchands de vin et autres boissons. - Vins infectés, droits lors des ventes, octrois, relations commerciales avec d’autres villes en France et à l’étranger : avis, extrait du registre des arrêtés municipaux, pétitions, correspondance. Notamment : Gienanth frères ; Louis Drouet et Compagnie ; Heidsieck et Compagnie ; Bailly, Girardin, Chambon et Compagnie ; [Philippe] Leuchsenring, Hager, Vogt et Huyer ; Ruinart, Morel-Tronsson.
>Donne un chiffre d'expédition par bateau de Drouet-Leuchsenring (188 caisses de 50 bouteilles en 1802).
Conclusion des recherches sur Leuchsenring aux AMCR sur site :
L'adresse signalée en 1805 pour l'école de Guillaume Leuchsening est le "sis n°2 rue du Marc" qui est, selon l'étude des recensements, situé plus loin dans la rue (face à l'hôtel du Marc). C'était donc une fausse piste. Par contre l'étude systématique des recensements a permis de retrouver les différents occupants dont les Heidsieck, qui était très proches de Leuchsenring (immigrés, francs-maçons,...). Il reste possible que Philippe Leuchsenring ait financé la construction d'un "hôtel de rapport" à cette adresse, mais il ne l'a pas occupé, ni lui, ni sa famille, ni l'école fondé par sa famille (qui était juste à côté). Malheureusement, on ne connaît pas les occupants entre 1794 et 1801...
Annonce du 3, rue du Marc en 1898. le concierge se nomme alors Eisher. Il sera principalement loué à des militaires hauts-gradés avant la guerre. |
Bibliographie
Perron Fabrice , "Sources et acteurs jacobins à Reims", dans : Serge Bianchi, Les sociétés populaires à travers leurs procès-verbaux, Paris, éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2018, p. 27-38. URL : https://books.openedition.org/cths/3963?lang=fr
Sarrazin Charles, "Pierres de fondation trouvées à Reims de 1920 à 1932, publiées par M. Charles SARAZIN, Membre titulaire Source : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9791035h (p.269), pp.192-287
Tesson Yves, "Historique des caves du 3 rue du Marc", Terre de Vins, 13.05.2023 https://www.terredevins.com/actualites/champagne-tasting-le-champagne-thienot-devoile-lhistoire-dun-joyau-du-patrimoine-remois
- Philippe Nicolas Leuchsenring est un personnage clef, relativement à la FM, à la Révolution, au négoce franco-allemand, etc. Mais il est malheureusement absent des deux publications de référence sur le sujet :
Teissier Bruno, "Les Allemands du champagne", dans : Christine Ramel et Bruno Teissier, Ces Allemands qui font la France : Trois siècles d’immigration allemande en France, 2018, pp.63-66
Goujon Bertrand, Entre France et Allemagne, les grands négociants en vins de Champagne : approches
transfrontalières d’une élite patronale au cours du long XIXe siècle. 2017. halshs-0155365
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