lundi 1 juin 2020

Texte politique // Complot et SARS-CoV-2



L'épidémie est sous contrôle, presque derrière nous, et la théorie du complot arrive droit devant, ultra-droit devant. Alors, le SARS-CoV-2, complot ? "Ils" le font exprès ? "Ils", ce sont "eux", "ceux" qui nous gouvernent, déguisés en Dr Knock., pour Alain Soral - "seul" face à "eux" -, crâne rasé, cuir brun, T-shirt bleu marine. Cet ancien spécialiste de la mode a - au moins - su faire un style vestimentaire : le "faf" assumé, car s'affirmer "facho", c'est aussi suivre une tendance, celle du quadra-quinqua-blanc-catho (QQBC) rongé par les idées d'extrême droite : le cucubze, compagnon idéal des nuits agitées du succube. J'ai, moi-même, cette tentation de révolte face à notre monde mou et plat à la fois, au ventre plat et aux fesses plates sans muscle. Il nous écrase et nous attendrit pour mieux nous faire entrer dans le petit écran et sa bien-pensance en deux dimensions. Tout ça est tellement éloigné des reliefs sensuels et savoureux du monde palpable ! Comme tous les néo-mâles, j'ai la tentation de manger un max de viande, de porter un gros cuir marron, d'envoyer balader le bobo et le métro', d'épouser une blonde décolorée habillée en tigresse, d'être pro-réel et anti-virtuel, pro-action anti-théorie, de faire du survivalisme dans le bois du coin, de pratiquer un sport de combat, d'abandonner l'élite, de plonger dans le peuple. Dans le monde idéal de Disney, on peut avoir légitimement envie d'aller tuer des biches, surtout le matin, pieds nus dans la rosée.

Mais non, c'est une affaire de glandes. Il faut se calmer. Pour assouvir d'éventuelles bouffées de testostérone, mieux vaut aller voir les vidéos de Vincent Lapierre, soralien défroqué, nationaliste affirmé, et diverses choses cryptées qui agacent beaucoup les anti-fa'... Je l'ai découvert suite à son implication dans le mouvement des Gilets jaunes auquel j'ai pleinement adhéré. Je n'en dirai pas plus. Et voici que ce "Jaune" s'attaque à un emblème du "Bloc", Alain Soral, lui-même, et à sa théorie du complot juif. Y'a du rififi chez les faf'... Alors : complot, pas complot, que disent les militants ultra-droitistes de "la covid" ? Soral n'y croit pas, Lapierre y croit. Et d'un complot ? Soral y croit, Lapierre n'y croit pas. Lapierre dénonce donc le paradoxe de son rival Soral en affirmant qu'il prône l'idée du complot tout en réfutant la maladie... Imparable. Lapierre inverse donc la lecture en réfutant le complot. Maintenant, regardons de biais. À la récurrente question que posent Soral et Lapierre sur le gouvernement face à la pandémie : ont-"ils"  subi ou ont-"ils" manipulé l'info(x) ? Autrement dit, "ils" sont cons ou "ils" le font exprès ? Toujours, toujours, toujours la même réponse : "ils" sont cons, inutile de chercher ailleurs. "Ils", c'est à dire "nous", car nous avons subi cette information, cette maladie, et même ce complot qui n'existe pas mais se forge dans nos propres attentes... Macron kui-même l'a subie lorsqu'il hurle, comme toujours, "Yes I can"...

Suite du texte... cliquer ICI




Ci-dessus, Vincent Lapierre - blouson de cuir style faf et sweat à capuche style anti-fa' (black-bloc) - démonte très/trop lentement la connerie monstrueuse de l'analyse ouvertement antisémite d'Alain Soral ("ceux" qui financent sont "une liste de Schindler")...  Si j'avais un conseil à donner à Vincent, qui tente de distinguer dans cette vidéo virale le "sens critique" et le "complotisme", ce serait de cesser de dialoguer avec Soral... Ne dialoguons qu'avec les gens intelligents. Une fois de plus, il faut savoir s'extraire du débat. Je ne reviendrais pas autrement sur l'obsession ultra-droitière du complot juif : oui, assumons, il y a trop de juifs dans la finance (et dans le textile), et ce n'est pas nouveau. Pour aller jusqu'au bout, il y a aussi trop de portugais catholiques dans la construction, c'est la mafia du bâtiment. Il y a aussi trop de "noirs" en Deliveroo, quel trafic cachent-ils ? Non, pas de complot, ni là ni ailleurs. Ils ne cachent rien d'autre que ce qu'ils sont. Cherchons l'histoire qui conduit à cette distinction, la structure sociale, mentale, ou historique, et non le secret du complot.

Elites "savantes" et peuple "idiot". Il fallait lire, dès sa publication en France (en 1999, tout de même), La révolte des élites et la trahison de la démocratie de Christopher Lasch. C'est un livre visionnaire décrivant l'origine d'un déclin qualitatif du Politique. De mémoire, et de mon point de vue, il voit comme une trahison le produit d'une dialectique postmoderne vouée à l'échec, consistant à donner des arguments simplistes pour que l'opposition soit, de ce fait, condamnée elle-même à se placer dans l'idiotie. Car le "réel" du Politique est jugé trop complexe pour être débattu. C'est le principe même de ce que l'on a nommé "gouvernance", afin de mettre à l'écart un peuple jugé incapable de prendre des décisions "complexes", celles laissées aux mains d'élites "savantes". Mais l'enfermement dans l'idiotie est réciproque, crée une spirale du vide emportant tout : le débat, ceux qui le font, ceux qui y assistent. Nous arrivons désormais au fond de cette spirale, à hauteur de la bonde, lorsque les élites et les peuples réalisent qu'ils sont au même niveau et qu'ils vont être emportés dans l’égout. Vingt ans après le livre de Lasch, on pénètre dans le tuyau d'évacuation. C'était la révélation des Gilets jaunes.

Et le complot, est-il possible ? Passons au principe même du complot. S'il est une chose dont s'avère incapable l'Humanité d'aujourd'hui, c'est bien de faire entrer en intelligence plusieurs individus (ce qui serait le degré zéro du complot). L'évidence pousse à constater non une intelligence collective, mais une soumission collective, soumission à des logiciels qui nous incitent, en bloc, à optimiser toujours plus... C'est un rationalisme radical comme devrait l'aimer l'ultra-droite : froid et logique, prenant la juste décision en tenant compte d'un maximum de données. Dans le cas des entreprises, le but est de dégager toujours plus de bénéfices. La gestion de la crise sanitaire est similaire. Cette fois, les programmes sont destinées à faire le moins de morts possible - suivant une fenêtre de temps limitée par... calculée pour... 

C'est à ce stade que s'ouvre la vraie question posée au chef d'Etat : jusqu'où aller ? Rationaliser la mort, c'est une très vielle question : jusqu'à combien doit s’élever le nombre des victimes pour qu'une collectivité décide de transformer un carrefour où se produisent des accidents chaque année ? Si cela coûte mille euros, ou un million, ou cent millions ? S'il y a un, dix, cent morts ? Jusqu'ici, chacun pesait le pour et le contre. Tel personnalité disait non à un millier d'euros pour cent morts, alors qu'un autre édile aurait dit oui à cent millions pour un seul mort. Le débat politique pouvait s'ouvrir entre les deux... Aujourd'hui, inutile de faire débat, ou consensus, c'est un logiciel qui optimise, trouve la juste moyenne et le moment M où il faut prendre la décision (très certainement à partir de dix morts, et dix millions en travaux, car tout programmateur aime les chiffres ronds). Vous - dirigeant du pays ou d'une entreprise - vous recevez la "recommandation" de modifier ce carrefour : c'est à dire, dans le cas du Sras, de confiner la population... Alors... Inutile de demander au peuple, mais comment lui faire comprendre ? La seule question qui reste est une question de pédagogie...

Derrière la pédagogie, quelle décision prendre face à une recommandation ? Car une décision du chef de l'Etat s'impose tout de même. S'il obéit à la recommandation, il est "couvert", s'il ne le fait pas, il ne l'est plus. Là s'arrête le complot ! Reste que l'imaginaire "vidéo" de tout-un-chacun, lui comme nous, conduit à la soumission de ce faux-décisionnaire. Il est étrange de voir le réel se conformer avec autant de détails à un univers inventé dans le virtuel. Ainsi, la crise de ce nouveau Sras est totalement conforme aux scénarios catastrophes (Contagion, de Soderbergh, 2011). Non, Soderbergh n'est pas le Jules Verne de la catastrophe, il est à l'origine du modèle ! Nos programmateurs informatiques, notre chef d'Etat, nos ministres, nos députés, nos experts, nous-mêmes, avons re-regardé ce film pour l'occasion... Cette crise, qui aurait probablement dû n'être qu'une crise hospitalière, puisque le nombre de morts semble principalement refléter l'état des systèmes de santé, est devenu une crise totale de ce simple fait : un imaginaire unifié face à une recommandation unique, produite par un algorithme...

L'apparence d'un complot. S'il n'y a pas complot, l'uniformisation globalisée des réponses en a cependant toute les apparences, à cause de la soumission des élites face aux "instructions" de l'OMS, renforcée par la normalisation médicale et la responsabilisation juridique qui en découle. 

À qui rapporte le crime ? Oui, cette maladie existe, et d'autres viendront. Oui, elle peut être mortelle, et d'autres le seront certainement plus. Non, inutile de faire appel au complot, ni des libéraux, ni des juifs, ni des labos, ni des fachos. Cependant, le crime rapportera quand même, car une crise fait toujours basculer l'argent d'un côté vers un autre (perdant beaucoup au passage)...  C'est là que nos chefs d'Etat ont pris des décisions conformes, non à leurs imaginaires "vidéos", mais à leur formation administrative, sans tenir compte ni de l'opinion, ni de l'intérêt collectif. 

Quand Macron parlait d'une guerre et contre-attaquait avec un "prêt à taux zéro', il aurait fallu réagir, s'interroger, se moquer du petit banquier minable à l'esprit plat comme un écran de télévision. Avec des centaines de milliards, il aurait été possible d'ouvrir - dans le monde "réel" - mille usines de masques ou de respirateurs ; possible, également, de créer des dizaines de milliers d'emplois pour aider les services de réanimation ; possible, enfin, de bloquer les "zones sensibles" au cas par cas. Tout ça, plutôt que de paralyser le pays pour mieux l'endetter. Car il est là, le véritable complot, sauf que ce n'est pas un complot mais un réflexe. Dans le monde virtuel de la finance, on pense d'abord "taux zéro"... On est totalement dématérialisé. Le crime rapportera donc aux banques, aux grands groupes, à la Chine aussi (très peu affaiblie), en nuisant aux particuliers, aux petits, et même au milieu médical (quoiqu'on en dise) : le tout-en-ligne rêvé de la start-up nation est arrivé en 2020, avec son start-up médecin virtuel et son start-up néo-esclave réel en Deliveroo. Tout service et toute marchandise allant du très gros vers le très petit, sans intermédiaire : fantasme monétaire, idéal sanitaire, enfer prolétaire !

La société s'est définitivement huberisée et précarisée. Tout va plus vite dans la même direction, grâce au Sras. Il n'y a que les crétins écolos 100% boboisés des petits écrans pour penser que l'écologie est la grande gagnante de cette crise. C'est le contraire. Il n'y a que les faschos 100% soralisés pour y voir un complot. Non, derrière, il n'y a que des logiciels, des normes et, plus encore, des gens normalisés trouvant des solutions uniquement dans les domaines qu'ils connaissent et, par conséquent, qu'ils privilégient. Ils ne sont pas une élite secrète. Ils sont en haut, au milieu, en bas, comme vous et moi ! Nous sommes trop dématérialisés pour penser autrement. D'où la tentation du cuir... du jaune... de l'assassinat des biches, pieds nus dans la rosée...


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire