Le portrait qu'offre Alain Corbin et les nombreux historiens ayant travaillé sur le littoral avant 1840, est plus poétique que toutes les descriptions qui pourront surgir en décrivant des périodes plus tardives. La décennie 1850 ouvre pleinement l'ère industrielle et amorce une époque d'objectivité et de progrès, de rationalité et de normes, voire de normalité. Les monuments qui attiraient les premiers voyageurs sont désormais des objets d'études surveillés par l'administration, captés par la Mission héliographique. Des photographies, que l'on pourrait voir comme tristement réalistes, surgissent à la place d'improbables gravures "pittoresques". Thimothée est né un peu trop tard pour que son portrait ait comme socle un discours merveilleux où se mêleraient culture antique et croyance médiévale, fusionnant dans un même tout. La rationalité qui submerge la seconde moitié de ce siècle commet un double meurtre, brûlant à petit feu la culture et la croyance. Il serait donc trop tard pour qu'un coin de ciel se mette à flamboyer à la manière d'un Turner ? Trop tard pour que la mer s'étende à l'infini, comme dans un tableau de Friedrich ? Trop tard, vraiment ?
Pas exactement, Thimothée est peut-être né exactement au bon moment. Certes, les premiers romantiques, les plus célèbres novateurs se placent une ou deux générations derrière lui, mais les esprits refusent encore d'emprunter une autre direction. Les artistes de 1850 ne sont pas post-romantique. Bien au contraire, et même s'ils apparaissent "secondaires", la plupart des créateurs entrent à leur tour dans cet élan et deviennent des "néo-romantiques". Si les photographes sont encore très rares et pour la plupart parisiens, des foules de petits Provinciaux succèdent aux célébrités et viennent dépeindre les monuments oubliés de leur région. L'époque n'est plus à l'inventivité, mais à la diffusion, à la propagation, à la contamination, autant qu'à la provincialisation. Elle est, en ce sens, déjà pleinement industrielle dans sa capacité à normaliser. On peut donc, dans chaque ville et village, trouver un "portrait romantique" de tout et de n'importe quoi. La mode est au pittoresque... Peu importe le lieu où naquit Thimothée, il en surgira toujours une gravure touchante. L'émotion n'est plus l'apanage d'une élite venue de la capitale.
Pas exactement, Thimothée est peut-être né exactement au bon moment. Certes, les premiers romantiques, les plus célèbres novateurs se placent une ou deux générations derrière lui, mais les esprits refusent encore d'emprunter une autre direction. Les artistes de 1850 ne sont pas post-romantique. Bien au contraire, et même s'ils apparaissent "secondaires", la plupart des créateurs entrent à leur tour dans cet élan et deviennent des "néo-romantiques". Si les photographes sont encore très rares et pour la plupart parisiens, des foules de petits Provinciaux succèdent aux célébrités et viennent dépeindre les monuments oubliés de leur région. L'époque n'est plus à l'inventivité, mais à la diffusion, à la propagation, à la contamination, autant qu'à la provincialisation. Elle est, en ce sens, déjà pleinement industrielle dans sa capacité à normaliser. On peut donc, dans chaque ville et village, trouver un "portrait romantique" de tout et de n'importe quoi. La mode est au pittoresque... Peu importe le lieu où naquit Thimothée, il en surgira toujours une gravure touchante. L'émotion n'est plus l'apanage d'une élite venue de la capitale.
Les années d'enfance et de jeunesse à Ploaré sont bien celles où la région rencontre le dessin et la peinture. Jean-Marie Villard (1828-1899), fils du menuisier de Ploaré, est lui-même saisi par cette vocation qu'il transmet à ses enfants et petits-enfants, tous peintres et photographes. La Bretagne attire alors des artistes venu du monde entier pour y saisir une forme d'authenticité. Le peintre inspiré du mouvement romantique interprète alors de trois manières différentes la dimension pittoresque d'un lieu : la lumière intérieure d'un Rembrandt (ou pénétrante d'un Vermeer) pour des intérieurs rustiques et mystérieux, la précision floue d'un Réalisme déjà proche de l’Impressionnisme pour des extérieurs sauvages et lumineux, et le retour aux perspectives classiques et hollandaises pour des scènes folkloriques prises sous une lumière douce et égale... Dix ou vingt ans avant l'école de Pont-Aven, ces trois approches ne sont pas sans évoquer les trois courants littéraires d'une typologie qui resiste au temps : le Réalisme, le Naturalisme, et l'aboutissement du Romantisme dans une ligne régionaliste...
Si ces trois courants se croisent en effet au milieu du XIXe siècle, créant un arrière plan tragique, que peut-on dire du bonheur de vivre qui pourrait animer cet enfant trouvé de Quimper ? Répond-il aux stéréotypes de son temps ? Probablement pas, car il reste volontairement aux côtés de sa famille nourricière plusieurs années après sa majorité, jusqu'à son mariage. Croise-t-il l'un de ces peintres ? Certainement, au moins le fils du menuisier... Sait-t-il lire, écrire ? Nous apprendrons plus tard que non. Sont-ils des gens croyants dans ce village ? Et Le jeune couple s'est-il mariés dans l'église de Ploaré ? C'est a espérer tant l'endroit semble encore séduisant, avec ses boiseries repeintes approximativement au moment de l'événement.