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Faubourg de Clairmarais dans un plan de Reims 1844 (Gallica par L. Héteau) encadré par quatre rues : Saint-Brice (sud), Courcelles (nord), Ponceau (ouest), Trianon (est) |
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Probablement les plus anciennes maisons du quartier de Clairmarais, la "cité Steff" |
Suite de l'enquête Reims // zoom Clairmarais, grâce aux recensements. Le registre de 1801 donne les rares habitants du quartier qui se limitent à 8 familles, deux cultivateurs (Jacquemart, Bouilly), un journalier (Cochepin), deux tisseurs (Allart, Sicret) dont le premier exploite des orphelins comme le veut une tradition dans cette époque de misère, un berger (Lagarde), une veuve (Sirot).
Impossible de retrouver le secteur de Clairmarais en 1817, oublié lors de ce recensement, mais il revient en 1841 (dénombrement Ier canton, ADM 122 M 22, p.205-211). Cette date correspond à la première révolution industrielle, qui impacte très directement le secteur. Il y a désormais 70 foyers (de 2839 à 2909), avec 321 habitants (allant des numéros 9990 à 10311) que l'on localise par recoupement aux deux tiers rue de Saint-Brice et au tiers rue de Courcelles. Ils surgissent brusquement et sont presque tous tisseu/r/se, fileu/r/se, trameuse, bobineuse, journalier/re, couturière, tailleur, brocardeur, peigneur, testeu/r/se, ouvrier en laine, en teinture... mais on compte aussi, beaucoup moins nombreux et dans un autre secteur, quelques chaudronnier, menuisier, maçon, forgeron, manouvrier, charpentier, terrassier, cordonnier. Il reste un ancien cultivateur (Bouilly) auquel s'ajoute un nouveau (Martin), un autre berger (Mathieu), et quelques familles un peu plus "urbaines" : Vve Ohénault (propriétaire), Masson ou Hasson et Delaunay (débitants), Delmont (marchand de charbon), mais aussi un brocanteur (Louvet) et un traiteur (Bagnant). Il faut mettre à part la famille Steff, signalée comme "filateur", soit propriétaire de filature, probable famille allemande implantée ici et à l'origine de l'industrialisation soudaine de ce secteur longtemps resté rural...
En 1851, des noms de rues surgissent et se divisent deux secteurs : au nord, la rue de Courcelle, avec les ouvriers du textile vite concurencés par les employés du Chemin de fer et, au sud, la rue de Saint-Brice, avec les autres ouvriers. La famille Bouilly est toujours là (n°11), avec d'autres cultivateurs et bergers du côté impaire de la rue Saint-Brice, tout au sud du quartier... Avant 1872, l'usine de textile renouvelle ses employés qui continuent d'occuper le secteur.
On en apprend en 1910, dans une étude de l'Académie de Reims sur l'habitat ouvrier, que la "filature Steff" est à l'origine d'anciens "corons" : "Rue Vernouillet, dans le quartier de Clairmarais, et en contre-bas de la rue, qui les domine tous, s'alignent 20 à 25 logements à rez-de-chaussée, premier étage et grenier très bas ; c'est la Cité Steff. Ces logements sont bordés d'un trottoir de 2 mètres et d'un ruisseau, puis un mur variant de 1 mètre à lm20 s'élève devant toute la cité et la rue Vernouillet la longe, séparée par une rampe en fer qui surmonte le mur. Toutes ces habitations sont forcément humides à cause de leur situation. La cité Steff formant l'angle de la rue Vernouillet et de la rue de Courcelles a encore une partie en façade sur cette dernière rue, depuis le n° 57 jusqu'au 69 : sept logements à rez-de-chaussée, premier et grenier, construits identiquement comme ceux de la rue Vernouillet, mais ici ils sont au niveau de la rue ; toutefois, pour pénétrer dans les pièces, il faut descendre plusieurs marches et les fenêtres du rez-de-chaussée sont presque au ras du trottoir. On peut dire que la cité est d'aspect plutôt vieux et malsain. Enfin, au n° 75 de la rue de Courcelles, s'élève une autre Cité, sans nom, appartenant également à M. Steff, presque en regard de celle de la rue Vernouillet dont elle n'est séparée que par des jardins. Là encore mêmes constructions à rez-de-chaussée, premier étage et grenier ; 25 logements alignés et tous semblables sur une ruelle qui va de la rue de Courcelles à la rue de Saint-Brice. Le côté opposé aux logements est occupé par de petits jardins potagers dépendant de chaque locataire. Le devant sur la rue de Courcelles est un bâtiment à deux étages et grenier occupé par des garnis. Plusieurs fontaines sont installées, dont une dans la cour de la cité, et d'autres dans les jardins pour l'usage des occupants. Les locations varient de 12 à 15 francs. Cela nous change de ce que nous avons vu dans l'autre rue." (Félix MICHEL, "Les Logements ouvriers à Reims et dans les environs en 1911", Travaux académie nationale de Reims, 1910-1911, p.225-321)
Cette cité semble encore préservée, son accès actuel se fait à partir du n°38, rue de Saint-Brice, avec un alignement de maisons de type "corons", désormais inscrites dans une rue privée (voir photographie). Datant des années 1840, c'est peut-être l'une des plus anciennes de France ! Par contre, l'usine est plus difficile à relocaliser car elle a disparu après l'occupation prussienne. Il n'y a presque plus de métier du tissage de laine représenté chez les habitants qui sont de plus en plus des employés des nouvelles usines qui s'implantent dans le secteur. L'habitation particulière de la famille Steff est absente dans le recensement de 1881. Par contre, au même moment, une nouvelle rue est traçée, la rue de Clairmarais, et les immeubles collectifs actuels correspondent à cette période, construits au début années 1870.