lundi 4 mai 2020

Ampart // 1881 - Le déménagement à Audierne

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/03:00

Déménagement à l'aide d'une charrette à bras au XIXème siècle, France, illustration du magazine 'Le Magasin pittoresque' d'Edouard Charton, publiée en 1853, p.108. (Photo by API/Gamma-Rapho via Getty Images) - fonds BNF https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32810629m/date.item


Les articles de presse relatant le naufrage de Timothée Ampart à Audierne ont permis de trouver son lieu de naissance - Quimper - et celui de son fils aîné, Douarnenez ; mais la famille n'y habite plus, peu après la naissance d'un second garçon, Thimothée fils, le 2 février 1880. Thimothée, sa femme et ses enfants réapparaissent par la suite dans le recensement d'Audierne, effectué à la fin de l'année 1881.
Citation Le Littoral de la France

Le couple laisse Douarnenez au début de la première "crise sardinière" (1880-1886) et s'installe à Audierne en 1881 avec leurs cinq enfants (Marie-Josée). . Ce proche village peut apparaître plus accueillant, avec beaucoup moins de concurrence : Thimothée devient alors patron de son propre bateau. On trouve à Audierne de vielles maisons bretonnes, robustes, construites au XVIe siècle (Itinéraire général de la France, Joanne, 1867).


 Deux mauvaises saisons de pêche les ont convaincu de partir à La Montagne, ancien site du moulin d'Audierne... Toutes les questions s'enchaînent une nouvelle fois : si l'on peut aisément comprendre sa motivation, pourquoi précisément ce lieu ? Que représente une migration vers ce village voisin ? Comment déménager à cette époque ? Quelle préparations en amont, quelle maison occuper ? 

Si l'expression "déménager au XIXe siècle" fait immédiatement apparaître le métier de tapissier-décorateur, l'appel à cet ancêtre du déménageur semble ridicule : le tapissier a pour seul type de client le bourgeois d'une grande ville... Dans le cas d'un simple marin, même si celui-ci dispose de finances suffisantes pour être propriétaire de son bateau, il faut se débrouiller. N'imaginons pas, non plus, qu'il va embarquer sa famille et ses biens à bord de la sardinière, pour partir au gré du vent... L'image est certes poétique, mais la réalité l'est beaucoup moins : le bateau n'est pas du tout adapté, et la situation de cette famille de marin évoque plutôt un départ rapide, un exode comme il y en a eu en France en 1870, au moment de l'arrivée des troupes prussiennes... Les illustrations représentant ce genre d'événement sont finalement assez peu différentes de celles de 1914 où figure encore la charrette à bras, devenue le symbole d'un départ précipité effectué dans une grande précarité (que l'on retrouvera, plus rarement encore, en 1939).

Difficile d'entrer dans les détails : avait-ils de nombreux biens ? Meubles, linge, ustensiles de cuisine, outils... Possédaient-ils des animaux, voir une bête de somme capable de les aider... Avaient-ils des amis, des voisins, des gens dans la même situation pour les aider ? Audierne est à une journée de marche - journée mémorable pour les parents et leurs quatre enfants. Seules les questions restent, il faut cependant voir ce déménagement comme un moment déterminant, mûrement réfléchi avant de se mettre en route. 


Histoire de famille // 1885-1894 Jours de tempête

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                            04/05/20/02:30
1881-fév-12, L'illustration, n°1981, bateau de pêcheurs breton coulant à pic, via ebay

Comme le précise l'ouvrage Le Littoral de la France, publié en 1888, le port d'Audierne n'est pas encore aménagé de manière moderne. Il se situe dans les contreforts du pays Bigoudin, où la côte est rocheuse, élevée, dangereuse : la pointe du Raz reste célèbre, mais la "barre" de la baie d'Audierne  n'est pas moins redoutée à cette époque. Il y a de nombreux naufrages  au XVIIIe et au début du XIXe siècle, d'inévitables rumeurs de "naufrageurs" circulent... La réalité est plus simple et plus tragique : la mer est terriblement dangereuse, et les drames se multiplient. Les titres de presse ouvrent d'autres interrogations. Ce Timothée Ampart meurt lors d'un naufrage, mais pourquoi ce naufrage fait-il actualité et laisse apparaître son nom ? Quel contexte socio-culturel entourait le drame ? Quelle est la fréquence des naufrages dans ce métier ? Si l'on connait l'histoire de ce "territoire du vide" entre 1750 et 1840 grâce à Alain Corbin, celui-ci s'est visiblement rempli après la naissance de Thimothée en 1843...

Les naufrages touchent la famille Ampart. C'est par le biais de ces tragiques événements que se dévoile la suite de cette histoire familiale, car ces tragédie sont alors activement relayées par la presse. La première mention de Timothée Ampart est d'ailleurs une condamnation du Tribunal de Quimper, dans l'Audience correctionnelle du 30 avril 1885. Il doit verser 15 francs "par corps" : ce qui confirme son statut de patron de pêche, a priori juridiquement responsable. Que désignent ces corps ? Existe-t-il une rlation avec l'épidémie de choléra ? S'agit--t-il d'un accident en mer ? Un nouveau naufrage à lieu en 1889, il est alors bien identifié comme "patron du bateau de pêche L'Ange gardien". Trois marins meurent et le bateau est perdu, mais le responsable est un steamer dont l'armateur accepte de verser 1600 francs, à l'amiable, pour les dommages. Un homme vaut donc cent fois moins qu'un navire, ou la peine est-elle pondérée en fonction des moyens du payeur ? AU bénéfice du doute, on retient la seconde hypothèse.

Le troisième accident en mer est le naufrage de la chaloupe sardinière Sainte-Anne à Audierne le 14 avril 1894. Il emporte tous les marins à bord, dont le patron lui-même, Thimothée Ampart, et le fils du patron, Emile-Marie Ampart (1877-1894), alors simple mousse, et probablement l’aîné de la famille (Famille C // (2) Les enfants d'Audierne). Entre 1894 (date du naufrage) et 1895 (date du procès) de très nombreux articles de presse relatent ce drame.

En 1894, un "télégramme" annonce le drame d'Audierne. Experts dans l'art de la paraphrase, les journalistes locaux vont relayer l'information officielle... Le désir de rivage se heurte encore à cette violence qui transparaît dans les journaux. Cependant, à l'exception de La Croix (le navire se nomme Sainte-Anne), les nationaux n'en parlent pas, ou plutôt n'en parlent plus. De quand date la "mode" des naufrages de pêcheurs et du sauvetage des pêcheurs ? Peu importe, on regarde ce que l'on ne regardait pas, et cette dépêche est justement celle qui annonce la "disparition en mer" de Thimothée Ampart.

La question : Où il est question de grande et de petite navigation, de grands et de petits naufrages, du réel et de l'imaginaire..


  • Source principale - média du moment : la presse populaire et la presse illustrée


Oeuvre servant d'illustration :
1881, "Naufrage et tempête en Vendée", Journal du peintre naïf Paul-Emile Pajot
vers 1900, "Ne pars pas", Delandre, terre cuite - souvenir de bains de mer


Ampart // 1895-1905 - Les enfants du naufragé

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                            04/05/20/02:00
vers 1905, Portrait probable de Thimothée fils, soudeur pour la Maison Chancerelle à Douarnenez
carte postale 

Aux historiens, l'histoire des "marins pêcheurs", aux ethno-historiens, la mémoire des "veuves de marins", mais qui s'approprie le récit des "enfants de naufragés" ? Pour l'instant, un vide. Rares sont les chercheurs qui fouillent la zone devenue aveugle des "enfants", invisibles depuis les années 1980 et désormais cachés sous le dualisme de l'histoire des genres. Le regard administratif fait d'eux une "charge" pour les ménages plus qu'un "avenir" pour les parents... Ce sont donc les descendants, les généalogistes, les érudits locaux, les amateurs et blogueurs qui fouillent désormais dans cette direction - souvent pour y rechercher un descendant glorieux. Mais est-il vraiment glorieux d'être un "enfant de naufragé" ? Possiblement, c'est en tous les cas le statut des jeunes Ampart à Audierne, suite à la disparition en mer de la chaloupe Sainte Anne en 1894, qui provoque la mort de Thimothée et de son fils aîné, Emile. Ils "laissent" une mère et ses cinq enfants, quatre "jeunes adultes" nés à Douarnenez et le petit dernier, Jean-Guillaume, dix ans, apparu un an après leur emménagement à Audierne...

Il s'agit donc d'inverser la logique première qui consiste à rechercher l'origine, le passé, l'antériorité, voire l'ancêtre, pour - au contraire - "redescendre" vers le présent, découvrir ceux qui vont suivre la première génération (celle de l'enfant trouvé), observer l'avenir de ses filles et fils, puis tenter de comprendre comment se structurent les générations qui vont se succéder par la suite. Qu'en est-il de la deuxième génération, des "enfants du naufragé" ? Il faut imaginer la situation, leur réputation dans le village, dix ans après leur arrivée sur la colline de La Montagne. Le lieu était alors presque désert, une lande entre le village et la mer. Un lieu-dit d'aventurier, l'échos lointain et minuscule de la Conquête de l'Ouest ; puis survient le drame, et la famille endeuillée

Le dicton breton : "femme de marin, femme de chagrin" apparaît en 1860, puis le dictionnaire Littré commence à l'essaime peu avant que la tragédie ne touche la famille Ampart. Récemment, Emmanuelle Charpentier et d'autres historiens se sont attachés à détricoter les images et les préjugés du peuple littoral breton, dans le prolongement du texte fondateur d'Alain Corbin sur le "Territoire du vide". Mais la lecture de ces dernières publications sont presque toutes inatteignables en confinement (sans participation financière)... Par un jeu de rhétorique, il est toujours possible de montrer que l'angoisse et le chagrin ne sont que des émotions, rien par conséquent ne peut prouver leur existence. Le roman, pour toucher ses lecteurs, amplifie l'émotion. Par contre, les archives, et autres paperasses administratives, viennent appuyer l'hypothèse de femmes pragmatiques et indépendantes : inutile de lire ces livres ou de chercher ces écrits officiels, ils se présentent comme les preuves d'un comportement prédictible... L'historien proche des archives tend par conséquent à rejeter les émotions. D'où la question : la "femme de marin" serait-elle plus pragmatique, plus indépendantes, car elles prennent en charge les affaires ? Peut-être, mais la femme du cultivateur était-elle différente ? Et celle de l'ouvrier, de l'employé ? du négociant ? Ou, tout simplement, la "vieille fille", la "rentière" ? Sans parler de la "fille-mère"... Et sans aborder - évidemment - la question des hommes !

Ampart // 1905-1922 - La migration vers Bou-Haroun

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/01:00
Carte postale vers 1925 site Delcampe - touristes devant les maisons des pêcheurs à Bou Haroun

chap. préc.  : Ampart // 1895-1905 Les enfants du naufragé
...
chap. suiv.  : Ampart // 1923-1939 Le triomphe de Thimothée fils

Après les marins, les naufrages, un troisième sujet affecte particulièrement la représentation des Bretons dans nos imaginaires : l'émigration au début du XXe siècle. L'interprétation de l'événement n'échappe pas aux clichés depuis la parution de Bécassine... À l'arrivée des familles de la grande bourgeoisie protestante venant de l'est en 1870 (comme destinées à enrichir le pays), répondrait celle des familles catholiques pauvres de l'ouest (condamnées à les servir). Le témoignage concret du départ des membres de la famille Ampart vers l'Algérie donne un autre portrait de Breton durant cette période : celui d'un pionniers dans l'industrie, ici illustrés par le "transclasse" Timothée Ampart, fils d'un orphelin et simple ouvrier, devenu un industriel fortuné après son exil en Algérie.

Son débarquement sur les rives de la Méditerranée s'associe à la nouvelle grande "crise sardinière" (1902, qui va se prolonger jusqu'en 1913) : les enfants Ampart semblent désormais bien installés à Audierne, disposant d'un petit commerce en bord de route (vendu en 1928), fabriquant probablement leurs propres boîtes de sardines grâce à la formation de soudeur du grand frère, Timothée; il est certainement assisté par la main d'oeuvre fournie par son frère et ses sœurs. Une réussite remarquable en moins de dix ans, entre le drame du naufrage de 1894 et le premier repérage en Algérie vers 1903. Ont-ils bénéficié d'une aide financière, à une époque où le bateau était la principale richesse des familles de marins, assurance ou économies ?

La suite de l'histoire se lit dans la presse algérienne : articles lorsqu'il monte son entreprise à Bou Haroun (près de Castiglione, actuellement Bou Ismaïl). L'usine de conserverie (sardines et anchois) est officiellement fondée en 1909. Seul Timothée est parti, le reste de la famille Ampart s'installe plus tardivement, en 1913 (L'Echo d'Alger, 14 mai 1913) : arrivent Marie Guédès, femme de Timothée, et Louise-Augustine Marie Le Plomb, femme de Jean-Guillaume, devenue Mme Veuve Ampart suite au décès de son mari sur le front belge en novembre 1914.

Le succès de  "l'industriel T. Ampart" est incontestable. Dans la mémoire familiale, il est dit qu'il importe en Algérie la première voiture automobile. Mais il faut tout d'abord comprendre cette instalation, poser une chronologie entre les premiers voyages en "éclaireur", probablement dès 1905, et l'obtention d'une médaille d'or pour son produit, en 1922.

Ce dont témoignent les archives, rattachées désormais à des chroniques mondaines. La famille Ampart, en important la technique de la mise en boîte des sardines, fera de quelques petites cabanes installées en bas de falaise au milieu du XIXe siècle sur la côte algérienne, alors occupées par des pêcheurs venus d'Espagne et d'Italie, un important centre de pêche aux origine d'un véritable village, construit en dur, doté d'une mairie, d'une poste, etc.

Source - média principal : les cartes postales de Bou Hharoun. Age d'or de la carte postale...


Ampart // 1923-1939 - Le triomphe de Thimothée fils

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                           04/05/20/00:45
1923, L’Écho d’Alger, 11 septembre 1923, p5 - publicité pour l'Anchois de maille "La Triomphatrice" de T.Ampart


L'adjectif breton "ampart" se traduit de différente manières : adroit, capable, expert, habile, robuste... Ce nom est une chance. Il produit certainement une croyance en soi, et rassure quant à l'existence d'un dieu qui vous ferait ainsi une sorte de promesse quant à vos capacité. Ce nom breton convenait parfaitement au parcours de Thimothée père. 

Quant à Thimothée fils, il s'est apparemment imaginé que son nom avait plutôt pour racine le latin im-perare, l'Empire, la prise de possession, le triomphe... Est-ce pour cette raison qu'il va créer la marque "la Triomphatrice" ? Il ne faut pas en douter, tant ce nom convient à l'époque et à la situation, celle d'une colonisation "triomphante" qui avance sans se poser de question.


  • Le support-média choisi : les chroniques mondaines de l'Echos d'Alger

Dans la suite du texte, il est question des années de "promotion" et de "réussite", d'une "société régionale", des œuvres de bienfaisance, des élections locales, des amis de la famille, et des "accidents" de M. Ampart.


Ampart // 1940-1962 - Une famille dans la décolonisation

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/00:30

sardinerie Ampart à Bou Haroun - via http://hubertzakine.blogspot.com
 (écriture en cours)

Thimothée fils arrive en Afrique du nord sur une terre chaude, conquise depuis longtemps, où les enfants des colons français, des travailleurs issus d'autres pays européens et des "indigènes"  se rencontrent, se comprennent, et commencent à s'hybrider, bien qu'ils se rattachent à différentes traditions et religions. Mais le décès de Thimothée fils, en 1939, marque la fin de cette situation provisoirement stable, et le début de relations plus difficiles inscrites dans la Grande Histoire autour des deux "événements" qui touchent indirectement puis de plein fouet les "départements français d'Algérie" : l'Occupation de la métropole (1940-1945) puis la décolonisation (1955-1962).

Les supports-médias qui auraient le mieux permis de se figurer le quotidien de ces jeunes aurait dû être la radio puis la télévision qui couvrent les vingts dernières années de l'occupation de l'Algérie par la France. Mais, contrairement à la peinture, aux débuts de la photographie, aux cartes postales ou aux articles de la presse locale, qui pénètrent dans les moindres détails le XIXe siècle et le début du XXe siècle, les contenus diffusés par les ondes s'avèrent limités. L'iconologie peut y percevoir une révolution, mais ces nouveaux médias peinent à compenser la raréfaction de leurs prédécesseurs. L'échelle des représentations n'est plus la même. Ce sont des médias flous. D'autre part, bien que la photographie soit devenue pleinement démocratique, elle se pratique en famille et les "albums" restent encore prisonniers d'archives privées : il ne s'agit plus d'une médiation ouverte.

Par chance, la génération nommée "silencieuse" aux Etats-Unis et leurs enfants baby-boomers ont été les premiers a utiliser les réseaux numériques, offrant de nombreux souvenirs déposés dans différents sites mémoriels : quelques individus décrivent l'histoire des villages de colons en Algérie... D'autre part, quelques cartes postales tardives (dites "semi-modernes") ont été éditées. Trop rares pour se trouver en permanence sur des sites de vente en ligne, un certain nombre ont été numérisées, puis publiées en ligne, et permettent de découvrir les sites où ces gens ont vécu, même si ces images sont légendées sans autre certitude par des historiens amateurs. Il semble que cette petite histoire appartienne aux "vaincus" et qu'il manque un méta-récit, longtemps aux mains "vainqueurs" algériens, plus soucieux de leur histoire propre que de la vie des colons - suivant une attitude compréhensible.

La sardinerie de Bou-Haroun est alors une entreprise familiale, discrètement dirigée par Yves et Emile Ampart ; "discrètement", car le nom d'Ampart apparaît plus rarement dans la presse algéroise, occupée par des faits d'actualité plus dramatiques. Les naissances n'y sont plus annoncées, seuls les décès figurent encore dans la rubrique nécrologique. Deux nouvelles générations surgissent pourtant durant cette longue période et représentent les "arrières-grands-parents" (nés avant-guerre) des enfants d'aujourd'hui. Ces nouvelles générations vivent leur années de jeunesse dans cette "ancienne colonie", de jeunes chanceux qui évitent les guerres mondiales, la crise de 1929, et profiteront à l'âge adulte d'une période d'expansion économique sans équivalent, mais ils seront cependant marqués, souvent traumatisés, voire tués, au moment d'une décolonisation qu'ils ne comprendront pas.

Ampart // après 1962 - des Bretons pieds-noirs

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/00:15
Tableau d'Yvonne Cordier née Tramu (https://yvonnetramu.monsite-orange.fr/page1/index.html) - IVe génération

Tableau de Victor Tramu, Marine (sardiniers)


(écriture en cours 2020)

À la mort de Thimothée fils (2e génération), les noms des familles s'accumulent dans l'avis funèbre issu d'un télégramme publié par l'Echos d'Alger : "BOU-HAROUN. — Madame Veuve T. Ampart; M. et Mme Tramu, né Ampart ; M. Yves Ampart ; M. et Mme Chauvin, née Ampart, et leur enfant ; M. et Mme Laurin, née Ampart. et leurs enfants ; Messieurs Emile et Hervé Ampart ; les familles Guivarch, Franger, Bernard, Lebars, Pennamen, Stéphan, Kervren, d'Algérie et de France, ont la douleur de vous faire part du décès de leur regretté Monsieur Timothée AMPART Industriel survenu accidentellement le 9 décembre 1939. Les obsèques ont eu lieu à Bou-Haroun, dans le caveau de famille, dans la plus stricte intimité."

Le caveau familial implanté à Bou-Haroun montre la volonté de s'ancrer "définitivement" dans cette nouvelle région. La famille bretonne trouve là un nouveau point de chute. La division des territoires demeure cependant puisque l'on distingue ceux "d'Algérie et de France". Cette publication offre surtout une liste relativement exhaustive des patronymes directement rattachés à la génération précédente, celle de Thimothée père, ses frères, ses sœurs, ses enfants, avec leurs époux et épouses. Ces derniers représentent  la "troisième génération", désormais composée d'adultes, la plupart mariés, avec des enfants ou de jeunes adolescents. La difficulté s'amplifie avec une dizaine de patronymes venus du mariage des femmes.  fait s'assimiler cette recherche à de la généalogie descendante. Mais cela permet aussi d'observer les liens qui se tissent en aval : quels sont les familles.

Sachant que le taux de fécondité descend en dessous de 2 après le baby-boom, en supposant que la famille Ampart respecte cette moyenne, les dernières générations doivent compter  une cinquantaine d'enfants nés entre 1950 et 1975, correspondant approximativement  ou plus tard (génération V - fin XXe, dite "X" puis "Y"), et une centaine au début XXIe  (génération VI - après 1995, dite "Z" puis "alpha"). Ces derniers représentent donc chacun environ 1% de la mémoire familiale. Pour montrer un peu le ridicule de la part génétique, celle-ci peut être grossièrement évaluée : en comptant une division par deux à chaque couple formé, sans considérer les possibles relations extra-conjugales, il reste à chacun 3% du "patrimoine génétique" de l'ancêtre marin breton (soit 1/2 puissance 5) - si l'on ne tient pas compte des codes inscrits dans les mitochondries des mères, ni de la part ultra-majoritaire du génome commun à tous les humain, aujourd'hui évaluée à 99%...

Méthodologie / le support-media. Excessivement important en nombre, les "cent" de la VIe génération ne peuvent être évoqués systématiquement. Il faut en rester aux souvenirs de leurs parents et grands-parents. Par chance, les IVe et Ve générations ont connu les débuts du "Web 2.0" au milieu des années 2000 et se sont introduites dans les réseaux sociaux. D'innombrables personnes y donnent publiquement leurs affinités et parentés, parlant d'elles-mêmes, évoquant des souvenirs ponctuels et tout un environnement social ou géographique. Quelques photographies sortent des albums pour être numérisées et diffusées. Contrairement au XIXe siècle avec ses "autobiographies de gens ordinaires, rédigés par des inconnus, le plus souvent à l'intention de leurs descendants" dont l'écriture "demeure pétrie d'une visée d'héroïsation de soi" (Louis-François Pinagot, première note du prélude), le contexte de partage dans un "réseau social" place l'auteur dans un nouvel état d'esprit : il ne s'agit pas d'une démonstration aux yeux du monde, mais d'une recherche de proches éloignés par le hasard de circonstances passées (on laisse pour cela un moyen de contact : adresse mail, téléphone) ; il convient alors de favoriser les liens sociaux en partageant des souvenirs communs dans un relation relativement horizontale, plutôt mélancolique, surtout lorsque la prise de distance s'associe à l'exode imposé par la guerre d'Algérie.

Si la troisième génération passe l'essentiel de sa vie en Algérie et reste invisible du fait de l'absence de média suffisamment exhaustifs, leurs enfants (baby-boomers), petits-enfants et arrières-petits-enfants, transmettent parfois, avec plus ou moins de force, de fierté, de honte, l'idée d'une "appartenance" d'ordre communautaire. Celle-ci ne se rattache plus à la Bretagne, visiblement oubliée, mais à l'Algérie de leur jeunesse. La nouvelle identité est celle de Pieds-noirs. La revendication change en fonction des âges, des mariages, des choix d'implantation, des idéaux politiques, des mémoires et transmissions culturelles... Certains s'affirment "pieds-noirs", parfois Italiens, Espagnols, Corses, quelques-uns se réinventent encore Bretons. Mais il ne faudrait pas oublier ceux qui ne s'expriment pas : la majorité silencieuse. Contrairement à celle que l'on stigmatise en période électorale, elle semble moins inquiétante ; sans doute trouve-t-elle dans la vie présente assez de satisfaction pour ne pas chercher une identité passée... Il faudrait croiser les données, sortir de l'écran pour interroger les témoins et vérifier la pertinence de cette affirmation sans preuve.