lundi 4 mai 2020

Famille // La pèche à la sardine à Douarnenez...

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                            04/05/20/04:00
CPA Neurdein (n°206), via le blog : https://kbcpenmarch.franceserv.com/une-journee-en-peche.html

Difficile d'explorer la vie de la famille Ampart, sans évoquer une seule fois l'activité qui marque la vie de tous ses "ancêtres":  la pêche à la sardine. Elle est dans le quotidien de Thimothée père. Elle lui a été imposée, au ses strict, par une décision stratégique visant à répondre à un besoin en main d'oeuvre dans ce domaine. Sa vie est déterminée "administrativement" : l'enfant qui est placé à Douarnenez, doit devenir pêcheur de sardines. Il obéira à ce destin...

Comme d''innombrables ouvrages ont été consacré à cette pêche, se placer sous la contrainte des documents disponibles en "confinement" s'avère salvateur. Si l'on réduit encore la recherche à des textes contemporains de Timothée, le domaine peut être exploré dans des délais raisonnables.

Le plus beau livre "couronné deux fois par l'Académie" est une somme publiée à la manière d'une encyclopédie, en 1885 : le Littoral de la France par "Ch.-F. Aubert". Le ton se devine grâce au titre de la collection : la "Bibliothèque patriotique de la France". On y refait Le tour de France par deux enfants, en suivant uniquement le rivage, en le scrutant dans les moindres détails. L'école de la Troisième République cultive ici, à la perfection, l'art pédagogique de la phrase courte, de la répétition discrète, de la formule qui frappe... Thimothée savait lire et écrire depuis peu, a-t-il eu la curiosité de savoir ce que l'on enseignait sur son village et son métier dans la langue française ? Car on parlait breton à cette époque.

Dans cet ouvrage, richement illustré, la vie à Douarnenez se résume entièrement à la sardine, à son importance historique, à la manière de la pêcher, à celle de la préparer. Douarnenez fait l'objet d'une amusante comparaison : "Un adage hollandais bien connu affirme que : la ville d'Amsterdam est bâtie sur des têtes de harengs. Appliquant à la ville de Douarnenez cette parole humoristique et vraie, on peut dire qu'elle est bâtie sur des têtes de sardines. Tout s'y rapporte: passé, présent, avenir. Tout a grandi par elle, et peu d'événements auraient le pouvoir de contrebalancer les mots suivants : "Quelle sera l'issue de la campagne, cette année ?" Préoccupation bien naturelle : Douarnenez devant sa fortune à la pêche et aux industries qui en ont été la conséquence immédiate. Située, dans une position extrêmement commode, sur la baie qui a pris son nom et à l'embouchure du petit cours d'eau appelé Pouldavy, elle ne tarde guère à devenir le grand centre de trafic des nombreux  villages et communes disséminés sur les côtes voisines." (Aubert, p556)

Les mots de conclusions introduisent un tout autre chapitre : "Ce dont il est impossible de se fatiguer, à Douarnenez, c'est la beauté du paysage. L'anse formée par la petite rivière de Pouldavy est ravissante de fraîcheur et d'ombrage. Le petit port de Tréboul, distant d'environ quinze cents mètres, reçoit, à l'aide des marées, les bateaux qui viennent y chercher le bois de chauffage et de construction.
Ploaré semble couronner, de son clocher, un immense amphithéâtre de montagnes couvertes par la ville et les villages dont elle est entourée. La baie ferme l'horizon..." (Aubert, VI, p.569)

Tous les paysages de l'enfance et de la jeunesse de Thimothée y figurent : l'anse de Douarnenez, l'aber de la rivière de Pouldavid, le clocher de Ploaré. Le chapitre suivant de l'ouvrage est consacré à la Pointe du Raz, à la rudesse de cet autre paysage, aux tempêtes et aux naufrages, puis à Audierne... Après avoir résumé sa vie, ce livre annonce déjà sa mort.

Ci-après, les détails de la pèche dans un récit de 1903 illustré de cartes postales des années 1910.

Ampart // 1881 - Le déménagement à Audierne

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/03:00

Déménagement à l'aide d'une charrette à bras au XIXème siècle, France, illustration du magazine 'Le Magasin pittoresque' d'Edouard Charton, publiée en 1853, p.108. (Photo by API/Gamma-Rapho via Getty Images) - fonds BNF https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32810629m/date.item


Les articles de presse relatant le naufrage de Timothée Ampart à Audierne ont permis de trouver son lieu de naissance - Quimper - et celui de son fils aîné, Douarnenez ; mais la famille n'y habite plus, peu après la naissance d'un second garçon, Thimothée fils, le 2 février 1880. Thimothée, sa femme et ses enfants réapparaissent par la suite dans le recensement d'Audierne, effectué à la fin de l'année 1881.
Citation Le Littoral de la France

Le couple laisse Douarnenez au début de la première "crise sardinière" (1880-1886) et s'installe à Audierne en 1881 avec leurs cinq enfants (Marie-Josée). . Ce proche village peut apparaître plus accueillant, avec beaucoup moins de concurrence : Thimothée devient alors patron de son propre bateau. On trouve à Audierne de vielles maisons bretonnes, robustes, construites au XVIe siècle (Itinéraire général de la France, Joanne, 1867).


 Deux mauvaises saisons de pêche les ont convaincu de partir à La Montagne, ancien site du moulin d'Audierne... Toutes les questions s'enchaînent une nouvelle fois : si l'on peut aisément comprendre sa motivation, pourquoi précisément ce lieu ? Que représente une migration vers ce village voisin ? Comment déménager à cette époque ? Quelle préparations en amont, quelle maison occuper ? 

Si l'expression "déménager au XIXe siècle" fait immédiatement apparaître le métier de tapissier-décorateur, l'appel à cet ancêtre du déménageur semble ridicule : le tapissier a pour seul type de client le bourgeois d'une grande ville... Dans le cas d'un simple marin, même si celui-ci dispose de finances suffisantes pour être propriétaire de son bateau, il faut se débrouiller. N'imaginons pas, non plus, qu'il va embarquer sa famille et ses biens à bord de la sardinière, pour partir au gré du vent... L'image est certes poétique, mais la réalité l'est beaucoup moins : le bateau n'est pas du tout adapté, et la situation de cette famille de marin évoque plutôt un départ rapide, un exode comme il y en a eu en France en 1870, au moment de l'arrivée des troupes prussiennes... Les illustrations représentant ce genre d'événement sont finalement assez peu différentes de celles de 1914 où figure encore la charrette à bras, devenue le symbole d'un départ précipité effectué dans une grande précarité (que l'on retrouvera, plus rarement encore, en 1939).

Difficile d'entrer dans les détails : avait-ils de nombreux biens ? Meubles, linge, ustensiles de cuisine, outils... Possédaient-ils des animaux, voir une bête de somme capable de les aider... Avaient-ils des amis, des voisins, des gens dans la même situation pour les aider ? Audierne est à une journée de marche - journée mémorable pour les parents et leurs quatre enfants. Seules les questions restent, il faut cependant voir ce déménagement comme un moment déterminant, mûrement réfléchi avant de se mettre en route. 


Histoire de famille // 1885-1894 Jours de tempête

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                            04/05/20/02:30
1881-fév-12, L'illustration, n°1981, bateau de pêcheurs breton coulant à pic, via ebay

Comme le précise l'ouvrage Le Littoral de la France, publié en 1888, le port d'Audierne n'est pas encore aménagé de manière moderne. Il se situe dans les contreforts du pays Bigoudin, où la côte est rocheuse, élevée, dangereuse : la pointe du Raz reste célèbre, mais la "barre" de la baie d'Audierne  n'est pas moins redoutée à cette époque. Il y a de nombreux naufrages  au XVIIIe et au début du XIXe siècle, d'inévitables rumeurs de "naufrageurs" circulent... La réalité est plus simple et plus tragique : la mer est terriblement dangereuse, et les drames se multiplient. Les titres de presse ouvrent d'autres interrogations. Ce Timothée Ampart meurt lors d'un naufrage, mais pourquoi ce naufrage fait-il actualité et laisse apparaître son nom ? Quel contexte socio-culturel entourait le drame ? Quelle est la fréquence des naufrages dans ce métier ? Si l'on connait l'histoire de ce "territoire du vide" entre 1750 et 1840 grâce à Alain Corbin, celui-ci s'est visiblement rempli après la naissance de Thimothée en 1843...

Les naufrages touchent la famille Ampart. C'est par le biais de ces tragiques événements que se dévoile la suite de cette histoire familiale, car ces tragédie sont alors activement relayées par la presse. La première mention de Timothée Ampart est d'ailleurs une condamnation du Tribunal de Quimper, dans l'Audience correctionnelle du 30 avril 1885. Il doit verser 15 francs "par corps" : ce qui confirme son statut de patron de pêche, a priori juridiquement responsable. Que désignent ces corps ? Existe-t-il une rlation avec l'épidémie de choléra ? S'agit--t-il d'un accident en mer ? Un nouveau naufrage à lieu en 1889, il est alors bien identifié comme "patron du bateau de pêche L'Ange gardien". Trois marins meurent et le bateau est perdu, mais le responsable est un steamer dont l'armateur accepte de verser 1600 francs, à l'amiable, pour les dommages. Un homme vaut donc cent fois moins qu'un navire, ou la peine est-elle pondérée en fonction des moyens du payeur ? AU bénéfice du doute, on retient la seconde hypothèse.

Le troisième accident en mer est le naufrage de la chaloupe sardinière Sainte-Anne à Audierne le 14 avril 1894. Il emporte tous les marins à bord, dont le patron lui-même, Thimothée Ampart, et le fils du patron, Emile-Marie Ampart (1877-1894), alors simple mousse, et probablement l’aîné de la famille (Famille C // (2) Les enfants d'Audierne). Entre 1894 (date du naufrage) et 1895 (date du procès) de très nombreux articles de presse relatent ce drame.

En 1894, un "télégramme" annonce le drame d'Audierne. Experts dans l'art de la paraphrase, les journalistes locaux vont relayer l'information officielle... Le désir de rivage se heurte encore à cette violence qui transparaît dans les journaux. Cependant, à l'exception de La Croix (le navire se nomme Sainte-Anne), les nationaux n'en parlent pas, ou plutôt n'en parlent plus. De quand date la "mode" des naufrages de pêcheurs et du sauvetage des pêcheurs ? Peu importe, on regarde ce que l'on ne regardait pas, et cette dépêche est justement celle qui annonce la "disparition en mer" de Thimothée Ampart.

La question : Où il est question de grande et de petite navigation, de grands et de petits naufrages, du réel et de l'imaginaire..


  • Source principale - média du moment : la presse populaire et la presse illustrée


Oeuvre servant d'illustration :
1881, "Naufrage et tempête en Vendée", Journal du peintre naïf Paul-Emile Pajot
vers 1900, "Ne pars pas", Delandre, terre cuite - souvenir de bains de mer


Ampart // 1895-1905 - Les enfants du naufragé

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                            04/05/20/02:00
vers 1905, Portrait probable de Thimothée fils, soudeur pour la Maison Chancerelle à Douarnenez
carte postale 

Aux historiens, l'histoire des "marins pêcheurs", aux ethno-historiens, la mémoire des "veuves de marins", mais qui s'approprie le récit des "enfants de naufragés" ? Pour l'instant, un vide. Rares sont les chercheurs qui fouillent la zone devenue aveugle des "enfants", invisibles depuis les années 1980 et désormais cachés sous le dualisme de l'histoire des genres. Le regard administratif fait d'eux une "charge" pour les ménages plus qu'un "avenir" pour les parents... Ce sont donc les descendants, les généalogistes, les érudits locaux, les amateurs et blogueurs qui fouillent désormais dans cette direction - souvent pour y rechercher un descendant glorieux. Mais est-il vraiment glorieux d'être un "enfant de naufragé" ? Possiblement, c'est en tous les cas le statut des jeunes Ampart à Audierne, suite à la disparition en mer de la chaloupe Sainte Anne en 1894, qui provoque la mort de Thimothée et de son fils aîné, Emile. Ils "laissent" une mère et ses cinq enfants, quatre "jeunes adultes" nés à Douarnenez et le petit dernier, Jean-Guillaume, dix ans, apparu un an après leur emménagement à Audierne...

Il s'agit donc d'inverser la logique première qui consiste à rechercher l'origine, le passé, l'antériorité, voire l'ancêtre, pour - au contraire - "redescendre" vers le présent, découvrir ceux qui vont suivre la première génération (celle de l'enfant trouvé), observer l'avenir de ses filles et fils, puis tenter de comprendre comment se structurent les générations qui vont se succéder par la suite. Qu'en est-il de la deuxième génération, des "enfants du naufragé" ? Il faut imaginer la situation, leur réputation dans le village, dix ans après leur arrivée sur la colline de La Montagne. Le lieu était alors presque désert, une lande entre le village et la mer. Un lieu-dit d'aventurier, l'échos lointain et minuscule de la Conquête de l'Ouest ; puis survient le drame, et la famille endeuillée

Le dicton breton : "femme de marin, femme de chagrin" apparaît en 1860, puis le dictionnaire Littré commence à l'essaime peu avant que la tragédie ne touche la famille Ampart. Récemment, Emmanuelle Charpentier et d'autres historiens se sont attachés à détricoter les images et les préjugés du peuple littoral breton, dans le prolongement du texte fondateur d'Alain Corbin sur le "Territoire du vide". Mais la lecture de ces dernières publications sont presque toutes inatteignables en confinement (sans participation financière)... Par un jeu de rhétorique, il est toujours possible de montrer que l'angoisse et le chagrin ne sont que des émotions, rien par conséquent ne peut prouver leur existence. Le roman, pour toucher ses lecteurs, amplifie l'émotion. Par contre, les archives, et autres paperasses administratives, viennent appuyer l'hypothèse de femmes pragmatiques et indépendantes : inutile de lire ces livres ou de chercher ces écrits officiels, ils se présentent comme les preuves d'un comportement prédictible... L'historien proche des archives tend par conséquent à rejeter les émotions. D'où la question : la "femme de marin" serait-elle plus pragmatique, plus indépendantes, car elles prennent en charge les affaires ? Peut-être, mais la femme du cultivateur était-elle différente ? Et celle de l'ouvrier, de l'employé ? du négociant ? Ou, tout simplement, la "vieille fille", la "rentière" ? Sans parler de la "fille-mère"... Et sans aborder - évidemment - la question des hommes !

Ampart // 1905-1922 - La migration vers Bou-Haroun

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/01:00
Carte postale vers 1925 site Delcampe - touristes devant les maisons des pêcheurs à Bou Haroun

chap. préc.  : Ampart // 1895-1905 Les enfants du naufragé
...
chap. suiv.  : Ampart // 1923-1939 Le triomphe de Thimothée fils

Après les marins, les naufrages, un troisième sujet affecte particulièrement la représentation des Bretons dans nos imaginaires : l'émigration au début du XXe siècle. L'interprétation de l'événement n'échappe pas aux clichés depuis la parution de Bécassine... À l'arrivée des familles de la grande bourgeoisie protestante venant de l'est en 1870 (comme destinées à enrichir le pays), répondrait celle des familles catholiques pauvres de l'ouest (condamnées à les servir). Le témoignage concret du départ des membres de la famille Ampart vers l'Algérie donne un autre portrait de Breton durant cette période : celui d'un pionniers dans l'industrie, ici illustrés par le "transclasse" Timothée Ampart, fils d'un orphelin et simple ouvrier, devenu un industriel fortuné après son exil en Algérie.

Son débarquement sur les rives de la Méditerranée s'associe à la nouvelle grande "crise sardinière" (1902, qui va se prolonger jusqu'en 1913) : les enfants Ampart semblent désormais bien installés à Audierne, disposant d'un petit commerce en bord de route (vendu en 1928), fabriquant probablement leurs propres boîtes de sardines grâce à la formation de soudeur du grand frère, Timothée; il est certainement assisté par la main d'oeuvre fournie par son frère et ses sœurs. Une réussite remarquable en moins de dix ans, entre le drame du naufrage de 1894 et le premier repérage en Algérie vers 1903. Ont-ils bénéficié d'une aide financière, à une époque où le bateau était la principale richesse des familles de marins, assurance ou économies ?

La suite de l'histoire se lit dans la presse algérienne : articles lorsqu'il monte son entreprise à Bou Haroun (près de Castiglione, actuellement Bou Ismaïl). L'usine de conserverie (sardines et anchois) est officiellement fondée en 1909. Seul Timothée est parti, le reste de la famille Ampart s'installe plus tardivement, en 1913 (L'Echo d'Alger, 14 mai 1913) : arrivent Marie Guédès, femme de Timothée, et Louise-Augustine Marie Le Plomb, femme de Jean-Guillaume, devenue Mme Veuve Ampart suite au décès de son mari sur le front belge en novembre 1914.

Le succès de  "l'industriel T. Ampart" est incontestable. Dans la mémoire familiale, il est dit qu'il importe en Algérie la première voiture automobile. Mais il faut tout d'abord comprendre cette instalation, poser une chronologie entre les premiers voyages en "éclaireur", probablement dès 1905, et l'obtention d'une médaille d'or pour son produit, en 1922.

Ce dont témoignent les archives, rattachées désormais à des chroniques mondaines. La famille Ampart, en important la technique de la mise en boîte des sardines, fera de quelques petites cabanes installées en bas de falaise au milieu du XIXe siècle sur la côte algérienne, alors occupées par des pêcheurs venus d'Espagne et d'Italie, un important centre de pêche aux origine d'un véritable village, construit en dur, doté d'une mairie, d'une poste, etc.

Source - média principal : les cartes postales de Bou Hharoun. Age d'or de la carte postale...


Ampart // 1923-1939 - Le triomphe de Thimothée fils

Phasage d'écriture : ébauche pour plan                                                                           04/05/20/00:45
1923, L’Écho d’Alger, 11 septembre 1923, p5 - publicité pour l'Anchois de maille "La Triomphatrice" de T.Ampart


L'adjectif breton "ampart" se traduit de différente manières : adroit, capable, expert, habile, robuste... Ce nom est une chance. Il produit certainement une croyance en soi, et rassure quant à l'existence d'un dieu qui vous ferait ainsi une sorte de promesse quant à vos capacité. Ce nom breton convenait parfaitement au parcours de Thimothée père. 

Quant à Thimothée fils, il s'est apparemment imaginé que son nom avait plutôt pour racine le latin im-perare, l'Empire, la prise de possession, le triomphe... Est-ce pour cette raison qu'il va créer la marque "la Triomphatrice" ? Il ne faut pas en douter, tant ce nom convient à l'époque et à la situation, celle d'une colonisation "triomphante" qui avance sans se poser de question.


  • Le support-média choisi : les chroniques mondaines de l'Echos d'Alger

Dans la suite du texte, il est question des années de "promotion" et de "réussite", d'une "société régionale", des œuvres de bienfaisance, des élections locales, des amis de la famille, et des "accidents" de M. Ampart.


Ampart // 1940-1962 - Une famille dans la décolonisation

Phasage d'écriture :  ébauche pour plan                                                                            04/05/20/00:30

sardinerie Ampart à Bou Haroun - via http://hubertzakine.blogspot.com
 (écriture en cours)

Thimothée fils arrive en Afrique du nord sur une terre chaude, conquise depuis longtemps, où les enfants des colons français, des travailleurs issus d'autres pays européens et des "indigènes"  se rencontrent, se comprennent, et commencent à s'hybrider, bien qu'ils se rattachent à différentes traditions et religions. Mais le décès de Thimothée fils, en 1939, marque la fin de cette situation provisoirement stable, et le début de relations plus difficiles inscrites dans la Grande Histoire autour des deux "événements" qui touchent indirectement puis de plein fouet les "départements français d'Algérie" : l'Occupation de la métropole (1940-1945) puis la décolonisation (1955-1962).

Les supports-médias qui auraient le mieux permis de se figurer le quotidien de ces jeunes aurait dû être la radio puis la télévision qui couvrent les vingts dernières années de l'occupation de l'Algérie par la France. Mais, contrairement à la peinture, aux débuts de la photographie, aux cartes postales ou aux articles de la presse locale, qui pénètrent dans les moindres détails le XIXe siècle et le début du XXe siècle, les contenus diffusés par les ondes s'avèrent limités. L'iconologie peut y percevoir une révolution, mais ces nouveaux médias peinent à compenser la raréfaction de leurs prédécesseurs. L'échelle des représentations n'est plus la même. Ce sont des médias flous. D'autre part, bien que la photographie soit devenue pleinement démocratique, elle se pratique en famille et les "albums" restent encore prisonniers d'archives privées : il ne s'agit plus d'une médiation ouverte.

Par chance, la génération nommée "silencieuse" aux Etats-Unis et leurs enfants baby-boomers ont été les premiers a utiliser les réseaux numériques, offrant de nombreux souvenirs déposés dans différents sites mémoriels : quelques individus décrivent l'histoire des villages de colons en Algérie... D'autre part, quelques cartes postales tardives (dites "semi-modernes") ont été éditées. Trop rares pour se trouver en permanence sur des sites de vente en ligne, un certain nombre ont été numérisées, puis publiées en ligne, et permettent de découvrir les sites où ces gens ont vécu, même si ces images sont légendées sans autre certitude par des historiens amateurs. Il semble que cette petite histoire appartienne aux "vaincus" et qu'il manque un méta-récit, longtemps aux mains "vainqueurs" algériens, plus soucieux de leur histoire propre que de la vie des colons - suivant une attitude compréhensible.

La sardinerie de Bou-Haroun est alors une entreprise familiale, discrètement dirigée par Yves et Emile Ampart ; "discrètement", car le nom d'Ampart apparaît plus rarement dans la presse algéroise, occupée par des faits d'actualité plus dramatiques. Les naissances n'y sont plus annoncées, seuls les décès figurent encore dans la rubrique nécrologique. Deux nouvelles générations surgissent pourtant durant cette longue période et représentent les "arrières-grands-parents" (nés avant-guerre) des enfants d'aujourd'hui. Ces nouvelles générations vivent leur années de jeunesse dans cette "ancienne colonie", de jeunes chanceux qui évitent les guerres mondiales, la crise de 1929, et profiteront à l'âge adulte d'une période d'expansion économique sans équivalent, mais ils seront cependant marqués, souvent traumatisés, voire tués, au moment d'une décolonisation qu'ils ne comprendront pas.