Notre "bonne" vielle recette de pain d'épice maison, retrouvée dans un livre des années 1950...
- 250 g farine de Seigle (bio, tamisée)
- 250g miel toute fleur minimum (plus il y en a, mieux c'est...)
- 100g max de sucre roux non raffiné type cassonade (cf. sirop de la recette // orangettes de noël)
- zeste d'une orange bio, à grosse écorce, jus de cette orange
- 20 cl de lait pour diluer 1 c. à c. grains d'anis +1 c. à c. gingembre + 1 c. à c. "4 épices"
- 1 c. à c. de bicarbonate (verser dans le lait chaud) / ne monte pas avec du levain...
- 1 bonne pincée de sel
- Faire chauffer le verre de lait avec zeste haché grossièrement et épices
- Préchauffer le four 220°c
- Mélanger farine, sucre, jus d'orange, miel (chauffé bain-marie pour le liquéfier s'il est dur)
- Verser le bicarbonate dans le lait chaud, attendre effervescence, mélanger au reste
- verser au fond d'un moule à cake étroit beurré et fariné
- mettre 5 mn four mi-hauteur 220°c puis
- descendre à 180°c et laisser 1 h 15 à 1 h 30
- Tester au couteau : attendre que la lame ressorte propre...
- laisser "maturer" au moins 24h dans un torchon pour le raffermir
Ci-après quelques bonnes pioches sur l'histoire du pain d'épice de Reims
Passons sur l'histoire du Panis Dulciarius, pain doux des romains au vin et au miel, avec une recette intéressante ici : https://www.mylevain.com/recipes/recette-paindepices-levain/ et surtout ici :
Allons vers les plus anciennes recette du pain d'épice de Reims tirées des ouvrages sur Gallica...
Le Dictionnaire françois" de Pierre Richelet (1626-1698). précise à la rubrique "Pain d'épice, n.m. C'est un composé de miel, de fleur de sègle et des quatre épices [à l'époque : cannelle, clou de girofle, muscade, poivre] qu'on fait cuire au four & qu'on vend à la livre par pain , ou par petite pièce. (Faire de l'excellent pain d'épice. Le meilleur pain d'épice est celui de Reims en Champagne)" C.Q.F.D.
Le Dictionnaire universel de commerce oeuvre posthume de Jacques Savary Des Bruslons (1744), à la rubrique EPICE (p.261) : "On appelle du PAlN D'EPICE , une sorte de pain qu'on assaisonne avec des épices , et qui se paîtrit avec le miel, ou avec de l'écume de sucre. II se fait en France, particulièrement à Paris, un débit assez considérable de pain d'épice, dont celui de Reims (qui est composé pour l'ordinaire de farine de seigle, de miel jaune, & d'un peu de canelle & de poivre) est le plus estimé." ; Ajout p.459 "On voit , parce que nous venons de dire , combien les pains d'épiciers de Reims ménagent les aromates ; ils n'en mettent point dans les pains d'épices de santé; l'écorce de citron confit qu'ils font entrer dans les nonnettes, y fait, pour ainsi-dire, bande à part, puisqu'il y est en morceaux fort distinct. Le néroli ou huile essentielle de fleurs d'orange qu'ils introduisent dans leurs nonnettes à la Reine, y est en très-petite quantité. '" ; à la rubrique MIEL (p.1331) : "C'est aussi avec le Miel jaune qu'on fait ce pain nommé Pain d'épice, dont le débit est fort grand en France, surtout à Reims, à cause de la bonté des Miels de Champagne, & de la manière de le faire, que les autres Pain d'épiciers ne peuvent imiter. Voyez EPICE"
Le miel jaune est un miel précoce de printemps, où les abeilles butinent sur les chatons du saule marsault et les premières fleurs de la plaine crayeuse. Note sur le saule marsault (wiki) : "Ce saule est réputé comme plante mellifère car ses potentiels nectarifères et pollinifères sont élevés (> 100 kg/ha). Sa floraison précoce constitue par ailleurs un atout supplémentaire, car les besoins alimentaires des colonies d'abeilles sont importants à cette période de l'année (fig. 5). Il fournit un miel jaune d'or, irisé de vert, qui prend ensuite des teintes brun clair à beige. Il est de saveur légèrement boisée et florale. C'est un miel relativement rare, produit principalement dans l'Ouest de la France."
Selon l'historien rémois Prosper Tarbé, qui ne donne jamais de recette dans son Histoire du pain d'épice de Reims, 1841, la nonette à la Reine serait une invention tardive, mais il y a plus grave à cette époque : "Au dix-huitième siècle les secrets de nos compatriotes furent livrés à la publicité et l'encyclopédie révéla au monde attentif la fabrication du pain d'épice. Son indiscret complice fut un rémois le sieur Baudot [sic], maître en pharmacie à Paris"
Il s'agit de L'Encyclopédie méthodique de Jacques Lacombe (1782-1791) qui consacre une pleine page à ce pain d'épice rédigée par un pharmacien à Paris d'origine rémoise, M. Boudet (et non Baudot), successeur de Pia, demeurant 88 rue du Four-St-Germain (actuelle rue du Four, Paris VIe arr.) qui offre une demi-colonne au Pain d'épice de Reims (T.V, p.457) et donne les secrets dans l'ensemble de l'article :
La ville de Reims fournit le meilleur pain d'épice,
par le soin que les marchands de cette ville
mettent à travailler et à affiner la pâte.
Ainsi nous ne pouvons mieux faire, pour développer
toutes les connaissances de cet art, que
de rapporter ici l'excellent mémoire que M. Boudet,
maître en pharmacie à Paris, successeur de
M. Pia , a bien voulu nous communiquer sur les
procédés suivis à Reims, sa patrie-, et qu'il a étudiés
avec autant de sagacité que d'attention.
Pain d'épice de Reims.
L'art du pain d'épicier de Reims, est l'art de
mêler la farine de seigle avec du miel liquéfié par
le feu, d'en faire une pâte sans eau, et de la cuire
au four sous différentes formes, ou simples, ou
composées, avec du sucre et des aromates.
Du seigle.
L'expérience a enseigné aux pain d'épiciers le
choix qu'ils dévaient faire du seigle : ce n'est point
le plus beau, le mieux nourri, le plus apparent
qu'ils préfèrent, c'est celui dont les grains sont
les plus menus, les plus sains, les plus nets et les
plus odorans, qu'on récolte dans les terres les plus
maigres, et qui vient dans la craie.
Le choix de cette espèce de seigle , le soin qu'ils
ont de n'employer dans leurs pains d'épice fins ,
que la fleur de la farine de ce seigle,., fournissent
une raison de la supériorité que leur pain d'épice a
acquise sur celui des autres villes,
La farine que donne ce seigle est en petite quantité,
mais sèche, et mieux disposée qu'une autre à
recevoir la dose convenable de miel.
Quelque petite que soit cette quantité de farine,
les pains d'épiciers s'en contentent ; ils ne veulent
point avoir recours au moulin économique,
qui ferait, à la vérité, augmenter la dose de leur
seconde farine, propre aux pains d'épice communs,
mais qui les priverait de la vente avantageuse
qu'ils font de leur son pour la nourriture des porcs,
qui en sont très avides.
Un peu plus loin le texte précise que le pain d'épice doit rester longtemps et qu'il sert de levain en entier, pouvant rester 15 jours sous le four pour fermenter...
Enfin, deux ans avant la découverte du sucre de betterave et en pleine lutte contre la suprématie du sucre des colonies, Parmentier tente de remplacer le miel par des sirops de raisin et évoque le pain d'épice de Reims... Parmentier, Antoine Augustin (lui-même) Traité sur l'art de fabriquer les sirops et les conserves de raisin, destinés à suppléer le sucre des colonies (1810), p.300-103. "PAIN D'ÉPICE. [...]. Le pain d'épice qu'on remarque avec plaisir au milieu des objets de dessert les plus distingués de nos meilleures tables, vient de Reims : ce qui lui a acquis et conservé sa réputation , c'est le choix qu'on fait, dans cette ville, des matières premières qui entrent dans sa composition ; c'est la bonté de la méthode dont on se sert pour le fabriquer : le miel qu'on emploie. pour le pain d'épice le moins commun, est semblable, pour le goût et la blancheur, au miel de Narbonne [miel toutes fleurs de la garrigue au printemps]."
Signalons dans l'Encyclopédie de Disderot et d'Alembert la définition du Croquet, "CROQUET n. m. C'est chez les Pain-d'Epiciers un pain-d'épice fort mince, & de pâte à menu."
Réinvention de la recette
Il serait mieux - pour Reims - de travailler le levain dans la tradition celte avec de la bière plutôt que du lait, et sans beure, vu le côté "région de l'est". On peut tenter avec un levain naturel ou, du moins, avec une levure sèche activée quelques jours avant dans un peu de farine de seigle. Personne ne donne une méthode de levain au miel, sauf à la fin du XVIIIe siècle (pharmacien Boudet).
Ajoutons
Les épices reculent au XVI-XVIIe pour devenir plus subtil et moins fondé sur les épices importées. Les épices du salé se réduisent dès lors au poivre, à la muscade, et au clou de girofle (sur un oignon), et, pour le sucré, seulement la cannelle et le gingembre... d'où le "un peu de cannelle et de poivre" dans le premier texte.
Pour fabrique le 4 épices : 3 doses 30 g de poivre noir, 1 dose 10 g de noix de muscade en poudre du Comptoir de Toamasina, 1 dose 10 g de cannelle, 1/2 dose 5g de clou de girofle
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